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Ariane Web: Conseil d'État 411080, lecture du 26 juillet 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:411080.20180726

Décision n° 411080
26 juillet 2018
Conseil d'État

N° 411080
ECLI:FR:CECHR:2018:411080.20180726
Inédit au recueil Lebon
6ème et 5ème chambres réunies
Mme Laure Durand-Viel, rapporteur
Mme Julie Burguburu, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP MARLANGE, DE LA BURGADE, avocats


Lecture du jeudi 26 juillet 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

L'association pour la protection du paysage du canton de Dompaire (APPCD), M. B...D..., M. K...F..., M. C...H..., M. J...I..., M. A...G...et Mme L...E...ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 janvier 2014 du préfet des Vosges en tant qu'il a autorisé la société Centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle à exploiter treize éoliennes, quatre postes de livraison et deux locaux techniques sur le territoire des communes de Damas-et-Bettegney, Dompaire, Gelvécourt-et-Adompt, Les Ableuvenettes et Madonne-et-Lamerey. Par un jugement n° 1402183 du 1er décembre 2015, le tribunal administratif a annulé la décision contestée dans la mesure demandée.

Par un arrêt nos 16NC00117, 16NC00199 du 30 mars 2017, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté les requêtes formées, d'une part, par la société Centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle et, d'autre part, par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie contre ce jugement.

1° Sous le n° 411080, par un pourvoi, enregistré le 31 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

2° Sous le n° 411201, par un pourvoi, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés le 6 juin 2017 et les 20 février et 5 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt précité du 30 mars 2017 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'association pour la protection du paysage du canton de Dompaire, de MM.D..., F..., H..., I...et M...E...la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laure Durand-Viel, auditeur,

- les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association pour la protection du paysage du canton de Dompaire (APPCD) et autres et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle.


Considérant ce qui suit :

1. Le 11 décembre 2012, la société Centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle a déposé une demande d'autorisation d'exploiter une installation composée de dix-huit éoliennes, cinq postes de livraison et trois locaux techniques sur le territoire de communes situées dans le canton de Dompaire (Vosges), dans l'emprise du schéma régional de développement éolien approuvé le 20 décembre 2012. Par un arrêté du 30 janvier 2014, le préfet des Vosges a accordé l'autorisation d'exploiter treize éoliennes, situées dans le secteur nord du projet, implantées sur les territoires des communes de Damas-et-Bettegney, Dompaire, Gelvécourt-et-Adompt, Les Ableuvenettes, Madonne-et-Lamerey et a refusé l'autorisation d'exploiter les autres éoliennes. Le tribunal administratif de Nancy, sur la demande de l'association pour la protection du paysage du canton de Dompaire et autres, a annulé cet arrêté en tant qu'il autorise l'exploitation de treize éoliennes. Le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et la société Centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle se pourvoient en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté les appels qu'ils ont formés contre ce jugement. Il y a lieu de joindre ces pourvois, qui sont dirigés contre un même arrêt.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".

3. L'article L. 181-27 du code de l'environnement, issu de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, dispose que : " L'autorisation prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en oeuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité ". Ces dispositions modifient les règles de fond relatives aux capacités techniques et financières de l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement antérieurement définies à l'article L. 512-1 du code de l'environnement.

4. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.

5. Il résulte des termes mêmes de son arrêt que la cour administrative d'appel de Nancy s'est fondée, pour rejeter les appels formés par le ministre chargé de l'environnement et par la société Centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle contre le jugement annulant l'autorisation litigieuse, sur ce que le pétitionnaire ne répondait pas aux exigences relatives à la capacité financière du demandeur à mener à bien son projet. Par suite, alors qu'était ainsi en cause en l'espèce le respect d'une règle de fond, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit en se fondant, pour apprécier les capacités financières du demandeur, sur les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'environnement dans leur rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, alors qu'il lui appartenait de faire application des dispositions de l'article L. 181-27 du même code issues de l'ordonnance du 26 janvier 2017 qui étaient entrées en vigueur à la date à laquelle elle s'est prononcée, ainsi qu'il résulte expressément des dispositions du 1° de l'article 15 de cette ordonnance, qui prévoient que ces dispositions s'appliquent à compter du 1er mars 2017 aux autorisations d'exploiter antérieurement délivrées en application de l'article L. 512-1 du même code, " notamment lorsque ces autorisations sont (...) contestées ".

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois, que la société Centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle et le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la société Centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle et de l'Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association pour la protection du paysage du canton de Dompaire, à MM.D..., F..., H...et I...ainsi qu'à Mme E...le versement d'une somme de 500 euros chacun à la société Centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 30 mars 2017 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : L'association pour la protection du paysage du canton de Dompaire, M. B...D..., M. K...F..., M. C...H..., M. J...I...et Mme L...E...verseront chacun à la société Centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par l'association pour la protection du paysage du canton de Dompaire et autres sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association pour la protection du paysage du canton de Dompaire, première dénommée, pour tous ses cosignataires, au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, et à la société Centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle.