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Ariane Web: Conseil d'État 409136, lecture du 5 octobre 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:409136.20181005

Décision n° 409136
5 octobre 2018
Conseil d'État

N° 409136
ECLI:FR:CECHR:2018:409136.20181005
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère et 4ème chambres réunies
M. Frédéric Pacoud, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
SCP DIDIER, PINET, avocats


Lecture du vendredi 5 octobre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes, qui a transmis sa demande à la commission départementale d'aide sociale de la Loire-Atlantique, d'annuler le titre exécutoire du 3 novembre 2010 délivré à son encontre, en sa qualité d'héritier, par le président du conseil général de la Loire-Atlantique pour la récupération d'un indu d'allocation personnalisée à l'autonomie, perçue par sa mère Mme B...C...au cours de la période du 1er juillet au 30 novembre 2007, pour un montant de 3 930,80 euros. Par une décision du 13 janvier 2014, la commission départementale d'aide sociale de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande.

Par une décision n° 140475 du 30 novembre 2016, la Commission centrale d'aide sociale a rejeté l'appel formé par M. C...contre ce jugement.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 mars et 4 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision de la Commission centrale d'aide sociale du 30 novembre 2016 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel et d'ordonner au département de la Loire-Atlantique de lui restituer la somme de 3 930,80 euros, assortie des intérêts au taux légal et des intérêts capitalisés depuis le 10 janvier 2011 ;

3°) de mettre à la charge du département de la Loire-Atlantique la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- la décision du 19 juin 2017 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.C... ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Pacoud, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat du département de la Loire-Atlantique.



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B... C... a bénéficié du versement de l'allocation personnalisée à l'autonomie à domicile jusqu'au 30 novembre 2007, alors qu'elle était hébergée en établissement pour personnes âgées depuis le mois de juillet 2007. Par un courrier du 12 novembre 2007 et un titre exécutoire du 10 juin 2008, le département de la Loire-Atlantique lui a réclamé un indu d'un montant de 3 930,80 euros au titre de cette allocation pour la période correspondante. A la suite du décès de MmeC..., le 10 novembre 2008, son fils, M. A...C..., a accepté sa succession. Par un courrier du 26 janvier 2010, la paierie départementale de la Loire-Atlantique lui a adressé un commandement de payer la somme précitée, assortie des frais de commandement, puis le président du conseil général de la Loire-Atlantique a retiré le titre exécutoire émis le 10 juin 2008 et émis, le 3 novembre 2010, un nouveau titre exécutoire à son encontre pour obtenir le paiement de la somme initiale de 3 930,80 euros. Par une décision du 13 janvier 2014, la commission départementale d'aide sociale de la Loire-Atlantique a rejeté le recours formé par M. C...contre ce dernier titre exécutoire. M. C...se pourvoit en cassation contre la décision du 30 novembre 2016 par laquelle la Commission centrale d'aide sociale a rejeté l'appel qu'il avait formé contre la décision de la commission départementale.

2. D'une part, aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 232-25 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige : " L'action du bénéficiaire pour le versement de l'allocation personnalisée d'autonomie se prescrit par deux ans. (...) / Cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, à l'action intentée par le président du conseil général ou le représentant de l'Etat, pour la mise en recouvrement des sommes indûment versées ".

3. D'autre part, aux termes du 3° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " L'action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des régions, des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes. / Le délai de quatre ans mentionné à l'alinéa précédent est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription ".

4. Il résulte de la combinaison de l'article L. 232-25 du code de l'action sociale et des familles et du 3° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales que le titre exécutoire émis par le département en vue de la récupération d'un indu d'allocation personnalisée d'autonomie, d'une part, interrompt le délai de prescription de l'action en remboursement de l'indu prévu à l'article L. 232-25 du code de l'action sociale et des familles, à compter de la date de sa notification régulière à l'intéressé, et, d'autre part, ouvre le délai de quatre ans de la prescription de l'action en recouvrement des sommes énoncées sur ce titre, prévu à l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, à compter de la date de sa prise en charge par le comptable public. En revanche, l'ouverture du délai de quatre ans de l'action des comptables publics pour le recouvrement de la créance n'a pas pour effet de proroger le délai de l'action intentée par le président du conseil général pour la mise en recouvrement des sommes indûment versées.

5. Il suit de là que la Commission centrale d'aide sociale a commis une erreur de droit en faisant application des dispositions du 3° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales pour apprécier si l'action du département de la Loire-Atlantique en récupération d'un indu d'allocation personnalisée d'autonomie versée à Mme C...était prescrite à la date du 3 novembre 2010 à laquelle le président du conseil général a émis un nouveau titre exécutoire pour en obtenir le remboursement.

6. Par suite, M. C...est fondé à demander l'annulation de la décision de la Commission centrale d'aide sociale qu'il attaque.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de M.C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Loire-Atlantique la somme que demande M. C...au même titre.


D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la Commission centrale d'aide sociale du 30 novembre 2016 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Commission centrale d'aide sociale.
Article 3 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... C...et au département de la Loire-Atlantique.


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