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Ariane Web: Conseil d'État 420940, lecture du 12 octobre 2018, ECLI:FR:Code Inconnu:2018:420940.20181012

Décision n° 420940
12 octobre 2018
Conseil d'État

N° 420940
ECLI:FR:CECHR:2018:420940.20181012
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère et 4ème chambres réunies
M. Thibaut Félix, rapporteur
M. Charles Touboul, rapporteur public
SCP GOUZ-FITOUSSI, avocats


Lecture du vendredi 12 octobre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

1° L'association Ohaleï Yaacov - Le silence des justes a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision par laquelle le président du conseil départemental du Val-de-Marne a implicitement rejeté sa demande de remboursement des frais de prise en charge du mineur D...C...et de condamner ce département à lui verser la somme de 225 055,50 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 août 2016. Par un jugement n° 1609370 du 8 février 2018, le tribunal a condamné le département à verser à l'association une somme calculée, pour les mois d'avril 2015 à juillet 2016, sur la base de la tarification établie par son conseil administration au titre des années 2015 et 2016 pour la prise en charge dans sa cellule d'urgence médicalisée pour enfants et adolescents autistes, en en retranchant un montant journalier de 355,30 euros pour 2015 et de 458,71 euros pour 2016 au titre des frais de soins, sous déduction des règlements déjà effectués pour cette période, et assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 août 2016.

2° L'association Ohaleï Yaacov - Le silence des justes a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision par laquelle le président du conseil départemental du Val-de-Marne a implicitement rejeté sa demande de remboursement des frais de prise en charge du mineur A...F...et de condamner ce département à lui verser la somme de 244 044,30 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 août 2016. Par un jugement n° 1609990 du 8 février 2018, le tribunal a condamné le département à verser à l'association une somme calculée, pour les mois d'avril 2015 à juillet 2016, sur la base de la tarification établie par son conseil administration au titre des années 2015 et 2016 pour la prise en charge dans sa cellule d'urgence médicalisée pour enfants et adolescents autistes, en en retranchant un montant journalier de 355,30 euros au titre des frais de soins, sous déduction des règlements déjà effectués pour cette période, et assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 août 2016.

3° L'association Ohaleï Yaacov - Le silence des justes a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision par laquelle le président du conseil départemental du Val-de-Marne a implicitement rejeté sa demande de remboursement des frais de prise en charge du mineur E...B...et de condamner ce département à lui verser la somme de 18 184 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 août 2016. Par un jugement n°1610207 du 8 février 2018, le tribunal a condamné le département à verser à l'association une somme calculée, pour les mois d'avril et mai 2015, sur la base de la tarification établie par son conseil administration au titre des années 2015 et 2016 pour la prise en charge dans sa cellule d'urgence médicalisée pour enfants et adolescents autistes, en en retranchant un montant de 355,30 euros pour 2015 et de 458,71 euros pour 2016 au titre des frais de soins, sous déduction des règlements déjà effectués pour cette période, et assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 août 2016.

Procédure contentieuse devant la cour administrative d'appel de Paris et le Conseil d'Etat

Par un arrêt n°s 18PA00938, 18PA00939, 18PA00940, 18PA01222, 18PA01223, 18PA01224 du 24 mai 2018, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 25 mai 2018, la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, les requêtes, enregistrées les 21 mars et 11 avril 2018 au greffe de cette cour, présentées par l'association Ohaleï Yaacov - Le silence des justes.

1° Par la requête enregistrée sous le n° 18PA00938 au greffe de la cour et sous le n° 420961 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, et par deux nouveaux mémoires, enregistrés le 30 avril 2018 au greffe de la cour et le 20 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Ohaleï Yaacov - Le silence des justes demande :

1°) l'annulation du jugement du tribunal administratif de Melun n° 1609370 du 8 février 2018 en tant qu'il ne fait pas entièrement droit aux conclusions de sa demande ;

2°) la mise à la charge du département du Val-de-Marne de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


2° Par la requête enregistrée sous le n° 18PA00939 au greffe de la cour et sous le n° 420944 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, et par deux nouveaux mémoires, enregistrés le 30 avril 2018 au greffe de la cour et le 20 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Ohaleï Yaacov - Le silence des justes demande :

1°) l'annulation du jugement du tribunal administratif de Melun n° 1610207 du 8 février 2018 en tant qu'il ne fait pas entièrement droit aux conclusions de sa demande ;

2°) la mise à la charge du département du Val-de-Marne de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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3° Par la requête enregistrée sous le n° 18PA00940 au greffe de la cour et sous le n° 420943 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, et par deux nouveaux mémoires, enregistrés le 30 avril 2018 au greffe de la cour et le 20 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Ohaleï Yaacov - Le silence des justes demande :

1°) l'annulation du jugement du tribunal administratif de Melun n° 1609990 du 8 février 2018 en tant qu'il ne fait pas entièrement droit aux conclusions de sa demande ;

2°) la mise à la charge du département du Val-de-Marne de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


....................................................................................

4° Par la requête enregistrée sous le n° 18PA01222 au greffe de la cour et sous le n° 420941 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat et par deux nouveaux mémoires, enregistrés le 30 avril 2018 au greffe de la cour et le 20 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Ohaleï Yaacov - Le silence des justes demande qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Melun n° 1609990 du 8 février 2018 en tant qu'il ne fait pas entièrement droit aux conclusions de sa demande.


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5° Par la requête enregistrée sous le n° 18PA01223 au greffe de la cour et sous le n° 420945 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat et par deux nouveaux mémoires, enregistrés le 30 avril 2018 au greffe de la cour et le 20 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Ohaleï Yaacov - Le silence des justes demande qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Melun n° 1609370 du 8 février 2018 en tant qu'il ne fait pas entièrement droit aux conclusions de sa demande.


....................................................................................

6° Par la requête enregistrée sous le n° 18PA01224 au greffe de la cour et sous le n° 420940 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat et par deux nouveaux mémoires, enregistrés le 30 avril 2018 au greffe de la cour et le 20 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Ohaleï Yaacov - Le silence des justes demande qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Melun n° 1610207 du 8 février 2018 en tant qu'il ne fait pas entièrement droit aux conclusions de sa demande.


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Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thibaut Félix, auditeur,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de l'association Ohalei Yaacov-Le silence des justes.



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers que, par un jugement du 4 décembre 2014 pour le premier, par des jugements des 6 février 2015 et 9 février 2016 pour le deuxième et par une ordonnance de placement provisoire et un jugement des 13 mars et 1er septembre 2015 pour le dernier, le juge des enfants du tribunal de grande instance de Créteil a confié les mineurs E...B..., D...C...et A...F...soit au service de l'aide sociale à l'enfance du département du Val-de-Marne, au titre de l'assistance éducative, en vue de leur accueil à temps plein dans un lieu de vie géré par l'association Ohaleï Yaacov - Le silence des justes, soit directement à cette association, en dispensant les parents de contribution aux frais du placement. Le département du Val-de-Marne ayant refusé de prendre en charge une partie des frais d'hébergement des trois mineurs à compter du mois d'avril 2015, l'association a saisi le tribunal administratif de Melun pour obtenir la condamnation du département à lui verser les sommes qu'elle estime lui être dues et demande, par des requêtes qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de joindre, le sursis à l'exécution et l'annulation des jugements rendus par ce tribunal le 8 février 2018 en tant qu'ils rejettent pour partie ses demandes. Le département a présenté des conclusions incidentes contre ces jugements en tant qu'ils accueillent pour partie les conclusions de la requérante.

2. Il ressort également des pièces des dossiers que si l'association Ohaleï Yaacov - Le silence des justes a été autorisée à créer un établissement d'accueil temporaire pour enfants handicapés, pour lequel le directeur général de l'agence régionale de santé a fixé un forfait global de soins, elle ne dispose toutefois pas d'autorisation pour les lieux de vie pour jeunes autistes et psychotiques, dans lesquels sont accueillis les trois mineurs en vertu des décisions du juge des enfants mentionnées ci-dessus, et que, par suite, aucun tarif n'a été fixé par l'autorité administrative pour ces structures. Il suit de là que les litiges opposant l'association au département sur la prise en charge des frais d'hébergement des mineurs ne se rattachent pas à la détermination des tarifs des établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux au sens de l'article L. 351-1 du code de l'action sociale et des familles. Ils relèvent dès lors, en première instance, de la compétence du tribunal administratif et non de celle du tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale.

3. L'article R. 811-1 du code de justice administrative dispose que : " (...) le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / 1° Sur les litiges relatifs aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi, mentionnés à l'article R. 772-5, y compris le contentieux du droit au logement défini à l'article R. 778-1 (...) ".

4. Les articles R. 772-5 et suivants du code de justice administrative définissent des règles particulières à la présentation, à l'instruction et au jugement des requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi, destinées notamment à faciliter la saisine du juge administratif par le requérant, à permettre la poursuite à l'audience de la procédure contradictoire sur certains éléments et à favoriser un règlement rapide du litige. Relèvent ainsi de ces contentieux les litiges, y compris indemnitaires, portant sur l'attribution ou le versement d'une prestation ou d'une allocation ou la reconnaissance d'un droit au profit de la personne sollicitant le bénéfice de l'aide ou de l'action sociale ou d'une aide en matière de logement ou du travailleur privé d'emploi, de même que sur les indus qui peuvent en résulter et les sanctions éventuellement prononcées à l'encontre du bénéficiaire. En revanche, les requêtes dont l'association Ohaleï Yaacov - Le silence des justes a saisi le tribunal administratif de Melun, qui ne portent pas sur les droits des mineurs et de leur famille au titre de l'aide sociale à l'enfance, lesquels ont fait l'objet de décisions du juge judiciaire, mais seulement sur les conséquences financières, pour l'association requérante, des mesures de placement décidées par l'autorité judiciaire, ne peuvent être regardées comme relevant des litiges mentionnés à l'article R. 772-5 du code de justice administrative, sur lesquels le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort en vertu de l'article R. 811-1 du même code.

5. Dès lors, les requêtes de l'association Ohaleï Yaacov - Le silence des justes tendant à l'annulation des jugements du tribunal administratif de Melun du 8 février 2018 présentent le caractère d'appels. Il y a lieu d'en attribuer le jugement, de même que celui de ses requêtes tendant au sursis à exécution des mêmes jugements, à la cour administrative d'appel de Paris, ensemble les conclusions incidentes du département.


D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement des requêtes de l'association Ohaleï Yaacov - Le silence des justes et des conclusions incidentes présentées par le département du Val-de-Marne est renvoyé à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Ohaleï Yaacov - Le silence des justes, au département du Val-de-Marne et au président de la cour administrative d'appel de Paris.


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