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Ariane Web: Conseil d'État 405038, lecture du 22 octobre 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:405038.20181022

Décision n° 405038
22 octobre 2018
Conseil d'État

N° 405038
ECLI:FR:CECHR:2018:405038.20181022
Inédit au recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
Mme Cécile Viton, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP MARLANGE, DE LA BURGADE, avocats


Lecture du lundi 22 octobre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La SARL Volume(s)... Etc... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la somme de 314 614 euros à laquelle elle a été assujettie au titre du versement pour dépassement du plafond légal de densité relatif à un ensemble immobilier situé au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) ainsi que de la majoration et des intérêts de retard mis à sa charge. Par un jugement n° 1600681 du 15 septembre 2016, le tribunal a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 novembre 2016 et 23 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Volume(s)... Etc... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Viton, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la société Volume(s)... Etc...



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société ECM/Volumes s'est vu délivrer, le 8 juin 2012, un permis de construire portant sur un ensemble immobilier situé au Pré-Saint-Gervais. Ce permis a été transféré le 10 mai 2013 à la société Volume(s)... Etc... qui a obtenu, le 6 février 2014, un permis modificatif. Par un avis d'imposition du 20 juin 2014, cette société a été assujettie au versement pour dépassement du plafond légal de densité pour un montant de 505 746 euros qui a été ramené à 314 614 euros eu égard au transfert partiel réalisé au profit de la commune par arrêté du 19 février 2014. La société Volume(s)... Etc... se pourvoit en cassation contre le jugement du 15 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge de ce versement ainsi que de la majoration de 5 % et des intérêts de retard qui ont été mis à sa charge par lettre de relance du 2 juillet 2014.

2. Aux termes de l'article L. 112-2 code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de délivrance du permis de construire initial : " L'édification d'une construction d'une densité excédant le plafond légal est subordonnée au versement par le bénéficiaire de l'autorisation de construire d'une somme égale à la valeur du terrain dont l'acquisition serait nécessaire pour que la densité de la construction n'excède pas ce plafond. / L'attribution, expresse ou tacite, du permis de construire entraîne pour le bénéficiaire de l'autorisation de construire l'obligation d'effectuer ce versement. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le fait générateur de la participation pour dépassement du plafond légal de densité est la délivrance du permis de construire et que cette participation doit, en conséquence, être déterminée selon les règles applicables à la date à laquelle ce permis a été accordé. La délivrance d'un permis modificatif ne peut constituer le fait générateur d'une nouvelle participation se substituant à la précédente que dans le cas où ce nouveau permis emporte une modification substantielle du projet initial et doit ainsi être regardé comme se substituant lui-même au permis primitif.

3. Selon le dernier alinéa de l'article 1723 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au permis de construire modificatif : " Lorsque, par suite de la délivrance d'un permis de construire modificatif, la surface de plancher de la construction initialement autorisée est réduite, le montant du versement est réduit à due concurrence. (...) ".

4. Aux termes de l'article R. 333-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Le montant du versement lié au dépassement du plafond légal de densité est calculé selon la formule suivante : Pa = v ((Sa + Sb - Sc - (KSd)/K) / dans laquelle : / Pa représente le montant du versement ; / (...) Sa : la surface de plancher de la construction projetée, calculée comme il est dit à l'article R. 112-2 (...) ". Selon le troisième alinéa de l'article R. 112-2 du même code, dans sa rédaction applicable au permis de construire initial dont le dossier de demande a été déposé le 22 décembre 2011 : " La surface de plancher hors oeuvre nette d'une construction est égale à la surface hors oeuvre brute de cette construction après déduction : (...) ". Aux termes du premier alinéa du même article, dans sa rédaction applicable au permis de construire modificatif : " La surface de plancher de la construction est égale à la somme des surfaces de planchers de chaque niveau clos et couvert, calculée à partir du nu intérieur des façades après déduction : (...) ".

5. Pour apprécier si le projet modificatif avait emporté une modification substantielle du projet et devait être regardé comme un nouveau permis se substituant au permis primitif, le tribunal administratif de Montreuil a pu, sans erreur de droit, apprécier l'incidence du permis modificatif sur la surface hors oeuvre nette autorisée par le permis primitif et procéder, à cette fin, à une conversion de la surface de plancher autorisée par le permis modificatif en surface hors oeuvre nette. En revanche, dès lors qu'il avait estimé que le permis modificatif ne devait pas être regardé comme un nouveau permis, le tribunal administratif devait, pour apprécier le bien-fondé du droit à réduction et restitution invoqué par la société, sur le fondement des dispositions de l'article 1723 duodecies du code général des impôts citées au point 3, à raison de l'évolution de la surface de construction autorisée à la suite de la délivrance du permis modificatif et de la densité de ce projet, faire application des règles de détermination des surfaces applicables à la date du permis modificatif, fait générateur de la réduction alléguée. Par suite, il devait rechercher l'éventuelle réduction de la surface et de la densité du projet exprimée, non en surface hors oeuvre nette, mais en surface de plancher. En ne procédant pas ainsi, le tribunal a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son jugement doit être annulé.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 15 septembre 2016 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Montreuil.
Article 3 : L'Etat versera à la société Volume(s)... Etc... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SARL Volume(s)... Etc... et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics.


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