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Ariane Web: Conseil d'État 422638, lecture du 9 novembre 2018, ECLI:FR:CECHS:2018:422638.20181109

Décision n° 422638
9 novembre 2018
Conseil d'État

N° 422638
ECLI:FR:CECHS:2018:422638.20181109
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
SCP SEVAUX, MATHONNET ; SCP DELAMARRE, JEHANNIN, avocats


Lecture du vendredi 9 novembre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 14 avril 2017 par laquelle le président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle a mis fin à sa prise en charge dans le cadre d'un contrat jeune majeur au titre de l'aide sociale à l'enfance et d'enjoindre à celui-ci de réexaminer sa situation. Par un jugement n° 1701034 du 3 juillet 2018, le tribunal a annulé la décision du 14 avril 2017 et enjoint au président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de Meurthe-et Moselle demande au Conseil d'Etat d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nancy du 3 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative, notamment son article R. 611-8 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arnaud Skzryerbak, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat du département de Meurthe-et-Moselle.



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, applicable aux recours en cassation devant le Conseil d'Etat : " La formation de jugement peut, à la demande de l'auteur du pourvoi, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort si cette décision risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle rendue en dernier ressort, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A...B..., de nationalité guinéenne, né le 10 février 1998 et entré en France en avril 2015, a été confié, par un jugement en assistance éducative du 27 mai 2015, aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de Meurthe-et-Moselle jusqu'à sa majorité, puis a continué d'être pris en charge par ces services dans le cadre de " contrats jeune majeur ". Toutefois, par un arrêté du 1er juin 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français et, par un jugement du 28 février 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Le président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle a alors mis fin, le 14 avril 2017, à la prise en charge de M. B...par l'aide sociale à l'enfance. Le tribunal administratif de Nancy, saisi par M.B..., a, par un jugement du 3 juillet 2018 dont le département demande le sursis à l'exécution, annulé cette décision et enjoint au président du conseil départemental de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois.

3. Le tribunal, pour annuler la décision du 14 avril 2017, s'est fondé sur la circonstance que M. B...était alors scolarisé en première année de certificat d'aptitude professionnelle, alors que l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles prévoit que lorsqu'un majeur âgé de moins de vingt-et-un ans éprouvant des difficultés d'insertion sociale faute de ressources ou d'un soutien familial suffisants est pris en charge à titre temporaire par le service chargé de l'aide sociale à l'enfance, un accompagnement doit lui être proposé, au-delà du terme de la mesure, pour lui permettre de terminer l'année scolaire ou universitaire engagée. Le département fait valoir que l'exécution de ce jugement le met dans la situation de devoir poursuivre l'accompagnement de M. B...pour lui permettre de suivre la formation en alternance qu'il a commencée, alors que le jeune homme ne peut légalement exercer une activité professionnelle salariée en France. Toutefois, par l'article 2 de son jugement, le tribunal administratif de Nancy a seulement enjoint au président du conseil départemental de réexaminer la situation de M. B...dans un délai de deux mois. L'autorité administrative devant procéder à ce réexamen au vu des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa nouvelle décision, il ne résulte pas du dispositif de ce jugement qu'elle devra nécessairement, en application de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, proposer à M. B... un accompagnement destiné à lui permettre de poursuivre une formation en alternance. Dans ces conditions, le département de Meurthe-et-Moselle n'est pas fondé à soutenir que l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nancy du 3 juillet 2018 serait susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables pour lui.

4. Il résulte de ce qui précède que la requête du département de Meurthe-et-Moselle tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement doit être rejetée.


D E C I D E :
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Article 1er : La requête du département de Meurthe-et-Moselle est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au département de Meurthe-et-Moselle et à M. A...B....