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Ariane Web: Conseil d'État 421097, lecture du 14 novembre 2018, ECLI:FR:Code Inconnu:2018:421097.20181114

Décision n° 421097
14 novembre 2018
Conseil d'État

N° 421097
ECLI:FR:CECHR:2018:421097.20181114
Mentionné aux tables du recueil Lebon
4ème et 1ère chambres réunies
M. Olivier Fuchs, rapporteur
Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public


Lecture du mercredi 14 novembre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1714446 du 24 octobre 2017, la vice-présidente du tribunal administratif de Paris a transmis au tribunal administratif de Montreuil, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par le syndicat indépendant du personnel du Conseil d'Etat et de la Cour nationale du droit d'asile (SIPCE). Par un jugement n° 1709483 du 28 mai 2018, le tribunal administratif de Montreuil a transmis cette requête au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative.

Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 18 septembre 2017, le SIPCE demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la note du 18 juillet 2017 de la présidente de la Cour nationale du droit d'asile relative à la communication des rapports avant l'audience à la formation de jugement.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;





Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Fuchs, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;



1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La Cour nationale du droit d'asile est une juridiction administrative, placée sous l'autorité d'un président, membre du Conseil d'Etat, désigné par le vice-président du Conseil d'Etat " ; que l'article R. 732-1 du même code dispose que le président de la Cour nationale du droit d'asile " est responsable de l'organisation et du fonctionnement de la juridiction qu'il préside. Il assure la direction des services de cette juridiction (...) / Il désigne parmi les personnels de la cour des rapporteurs chargés de l'instruction écrite des affaires " ;

2. Considérant que le syndicat indépendant du personnel du Conseil d'Etat et de la Cour nationale du droit d'asile demande l'annulation de la note de la présidente de la cour " relative à la communication des rapports avant l'audience à la formation de jugement " du 18 juillet 2017 ; que cette note, qui s'adresse à l'ensemble des agents ayant la qualité de rapporteur, leur demande de transmettre désormais les rapports sur les affaires inscrites à l'audience à l'ensemble des membres de la formation de jugement, à mesure de leur achèvement et, sauf difficultés particulières, au plus tard dans la matinée du jour qui précède l'audience ou le vendredi après-midi si l'audience a lieu le lundi ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 733-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les débats devant la Cour nationale du droit d'asile ont lieu en audience publique après lecture du rapport par le rapporteur (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 733-25 : " Le rapporteur donne lecture du rapport, qui analyse, en toute indépendance, l'objet de la demande et les éléments de fait et de droit exposés par les parties, et fait mention des éléments propres à éclairer le débat, sans prendre parti sur le sens de la décision. / Les principaux éléments du rapport sont traduits au requérant, lorsqu'il a besoin de l'assistance d'un interprète. / Après la lecture du rapport, et sauf si le conseil du requérant demande à présenter ses observations, la formation de jugement peut poser aux parties toute question propre à l'éclairer (...) " ; qu'enfin, l'article R. 733-26 du même code prévoit que : " La formation de jugement délibère hors la présence des parties. Le rapporteur n'a pas voix délibérative " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le rapport du rapporteur, qui vise seulement à préparer la décision juridictionnelle en présentant aux membres de la formation de jugement le litige qui leur est soumis, sans d'ailleurs prendre parti sur le sens de la décision à intervenir, a le caractère d'un document préparatoire qui, jusqu'à sa lecture à l'audience, reste interne à la juridiction et n'a pas à faire l'objet d'une communication aux parties ; que les règles de son établissement ainsi que celles de sa communication, avant l'audience, aux membres de la formation de jugement relèvent, par suite, des pouvoirs d'organisation du service qui appartiennent, en vertu des dispositions citées ci-dessus de l'article R. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au président de la Cour nationale du droit d'asile ; que le syndicat requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la note attaquée émane d'une autorité incompétente ;

5. Considérant que, les articles L. 733-1-1 et R. 733-25 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées aux point 3 ne régissant ni les conditions d'élaboration du rapport par le rapporteur, ni celles de sa communication au sein de la juridiction, le syndicat n'est pas fondé à soutenir que leurs dispositions ont été méconnues par la note litigieuse ;

6. Considérant que la Cour nationale du droit d'asile ne statuant ni sur des contestations de caractère civil ni sur des accusations en matière pénale, le moyen tiré de ce que la note attaquée introduirait, dans la procédure applicable aux litiges portés devant elle, des dispositions qui méconnaissent le principe d'égalité des armes résultant des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;

7. Considérant, enfin, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que ni l'exercice de la fonction de rapporteur ni le contenu du rapport élaboré par celui-ci ne sont soumis au principe du caractère contradictoire de la procédure applicable à l'instruction ; que le syndicat requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la communication de ce rapport, avant l'audience, aux seuls membres de la formation de jugement porterait atteinte à ce principe ou, en tout état de cause, à " l'égalité des armes entre les formations de jugement et les parties " qui, selon lui, en découle ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la garde des sceaux, ministre de la justice, que le syndicat indépendant du personnel du Conseil d'Etat et de la Cour nationale du droit d'asile n'est pas fondé à demander l'annulation de la note de la présidente de la Cour nationale du droit d'asile du 18 juillet 2017 ;



D E C I D E :
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Article 1er : La requête du syndicat indépendant du personnel du Conseil d'Etat et de la Cour nationale du droit d'asile est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat indépendant du personnel du Conseil d'Etat et de la Cour nationale du droit d'asile et à la garde des sceaux, ministre de la justice.



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