Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 422003, lecture du 21 novembre 2018, ECLI:FR:CECHS:2018:422003.20181121

Décision n° 422003
21 novembre 2018
Conseil d'État

N° 422003
ECLI:FR:CECHS:2018:422003.20181121
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
Mme Cécile Renault, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public


Lecture du mercredi 21 novembre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. D...F...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'élection, le 15 avril 2018, de Mme A...et de MM.G..., B..., C..., et L...en qualité de conseillers municipaux dans la commune de Saint-Ouen-sur-Morin (Seine-et-Marne).

Par un jugement n° 1803198 du 13 juin 2018, le tribunal administratif de Melun a fait droit à cette protestation.

1° Sous le numéro 422003, par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 juillet, 16 août et 27 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme J...A...demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.

2° Sous le numéro 422029, par une requête, enregistrée le 6 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. I...L...demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.

....................................................................................

3° Sous le numéro 422145, par une requête enregistrée le 11 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. H...G...demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.


....................................................................................

4° Sous le numéro 422150, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 juillet et 19 septembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. E... C...demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.

....................................................................................

5° Sous le numéro 422152, par une requête enregistrée le 11 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. K...B...demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.


....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Renault, auditeur,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. A l'issue des opérations électorales qui ont eu lieu le 15 avril 2018 en vue de la désignation de six conseillers municipaux dans la commune de Saint-Ouen-sur-Morin (Seine et Marne), cinq candidats de la liste " Reprenons le cap ", MmeA..., MM.G..., B..., C..., etL..., ont été élus, ainsi qu'une candidate de la liste " Pour l'intérêt général " soutenue par le maire, M.F.... Sur protestation de M.F..., le tribunal administratif de Melun a annulé l'élection des cinq candidats de la liste " Reprenons le cap ", par un jugement du 13 juin 2018. MmeA..., M.G..., M.B..., M. C...et M. L...ont fait appel de ce jugement. Il y a lieu de joindre leur requête pour statuer par une seule décision.

2. Aux termes de l'article L. 48-2 du code électoral : " Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale ". Ces dispositions, qui rappellent le principe suivant lequel l'introduction d'éléments nouveaux de polémique électorale auxquels il n'est pas possible de répondre utilement est susceptible d'affecter la sincérité du scrutin, ne font pas obstacle à ce que le juge de l'élection tienne compte de l'existence de tels éléments, alors même que leur diffusion ne serait pas imputable à l'un des candidats.

3. Il résulte de l'instruction que l'avant-veille des élections, la liste " Reprenons le cap " a distribué une profession de foi mentionnant plusieurs jugements de tribunal administratif sur des requêtes de M. F...relatives à la politique d'assainissement de la commune, introduites alors qu'il était conseiller municipal d'opposition de la commune de Saint-Ouen-sur-Morin. Toutefois, d'une part, la politique d'assainissement faisait partie du débat électoral depuis le premier tour du scrutin, d'autre part, cette profession de foi, qui faisait référence à des faits anciens, ne dépassait ni par son contenu ni par les termes employés les limites de la polémique électorale et n'a pas apporté au débat électoral un élément nouveau susceptible d'influer sur le comportement des électeurs. Dès lors, en dépit du caractère tardif de sa distribution et alors même que l'écart de voix entre le dernier candidat élu de la liste " Reprenons le cas " et le premier candidat non élu de la liste " Pour l'intérêt général " était d'une seule voix, la diffusion de cette profession de foi n'est pas susceptible d'avoir altéré la sincérité du scrutin. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun s'est fondé, pour annuler l'élection de Mme A...et de MM.G..., B..., C..., etL..., sur le grief tiré de ce que la distribution tardive de cette profession de foi avait été de nature à altérer la sincérité du scrutin.

4. Toutefois, le tribunal administratif de Melun s'est également fondé, pour annuler l'élection de ces candidats, sur un autre motif, tiré de ce que la distribution d'une lettre ouverte signée par la maire de la commune de Saint-Cyr-sur-Morin l'avant-veille des élections en fin de journée, appelant notamment l'attention des candidats à l'élection sur la responsabilité de l'équipe municipale de Saint-Ouen-sur-Morin dans les dysfonctionnements du syndicat intercommunal à vocation unique constitué entre les deux communes et sur son manque d'implication dans la gestion du syndicat, a constitué une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin. Il résulte de l'instruction que contrairement à ce que soutiennent les requérants, la diffusion d'une telle lettre, ayant l'aspect d'un courrier officiel, distribuée par la maire et d'autres membres du conseil municipal de la commune de Saint-Cyr-sur-Morin aux habitants de Saint-Ouen-sur-Morin, qui mettait en cause le rôle de l'équipe municipale de Saint-Ouen-sur-Morin dans les coopérations entre les deux communes, en particulier pour ce qui concerne le fonctionnement du syndicat mixte constitué pour la gestion des écoles, et à un moment où il n'était plus possible de répondre utilement, a revêtu le caractère d'une manoeuvre électorale.

5. Ce dernier grief suffit, compte tenu du très faible écart de voix entre les derniers candidats élus de la liste " Reprenons le cap " et le premier candidat non élu, appartenant à la liste soutenue par le maire, à justifier l'annulation de l'élection de Mme A...et de MM.G..., B..., C...et L...en tant que conseillers municipaux à l'issue du scrutin du 15 avril 2018.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme A...et MM.G..., B..., C...et L...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé leur élection.





D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les requêtes de Mme A...et MM.G..., B..., C..., et L...sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme J...A..., à M. H...G..., à M. K...B..., à M. E...C..., à M. I...L..., à M. D...F...et au ministre de l'intérieur.