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Ariane Web: Conseil d'État 407707, lecture du 19 décembre 2018, ECLI:FR:CECHS:2018:407707.20181219

Décision n° 407707
19 décembre 2018
Conseil d'État

N° 407707
ECLI:FR:CECHS:2018:407707.20181219
Inédit au recueil Lebon
8ème chambre
M. Olivier Gariazzo, rapporteur
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public
SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET, avocats


Lecture du mercredi 19 décembre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme C... B...et Mme D... B...ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 14 février 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune d'Hazebrouck (Nord) a procédé au déclassement du domaine public et à la vente de la parcelle cadastrée CT 401 ainsi que la délibération du 20 février 2014 par laquelle le conseil municipal de la commune d'Hazebrouck a procédé de nouveau au déclassement du domaine public de cette parcelle. Par un jugement nos 1303536, 1402724 du 23 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille a décidé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande tendant à l'annulation de la délibération du 14 février 2013 en tant qu'elle procède au déclassement du domaine public de la parcelle CT 401 et a rejeté le surplus des conclusions des requérantes.

Par un arrêt n° 16DA00306 du 8 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel de Mmes C...et D...B..., annulé l'article 1er de ce jugement puis annulé la délibération du 14 février 2013 en tant qu'elle prononçait le déclassement de la parcelle CT 401 et rejeté le surplus des conclusions des requérantes.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 7 février 2017, le 5 mai 2017 et le 5 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, Mesdames C...et Georgette B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 3 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire entièrement droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Hazebrouck la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Gariazzo, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme C...B...et de Mme D...B..., à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la commune d'Hazebrouck et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la Chambre de Commerce et d'industrie de la région des Hauts-de-France ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par délibération du 5 juillet 2010, le conseil municipal de la commune d'Hazebrouck (Nord) a autorisé son maire à procéder à la vente d'une parcelle cadastrée CT 401, située boulevard de l'abbéA..., à la société civile immobilière (SCI) du centre tertiaire de Flandre intérieure, gérée par la chambre de commerce et d'industrie (CCI) du Grand Lille, afin que celle-ci puisse réaliser un projet immobilier consistant en l'implantation d'un centre d'activité tertiaire. Souhaitant régulariser la vente de cette parcelle dont le déclassement n'avait pas été précédé d'une enquête publique, le conseil municipal d'Hazebrouck a, après réalisation d'une telle enquête, rapporté l'autorisation initiale de vente, autorisé le déclassement du domaine public de la parcelle en cause et de nouveau autorisé sa cession par une délibération du 14 février 2013. A la suite de l'introduction par des riverains du projet d'un recours en annulation de cette délibération en tant qu'elle prononçait le déclassement la parcelle litigieuse, notamment fondé sur ce que le défaut d'impartialité du commissaire-enquêteur entachait d'irrégularité la procédure d'enquête publique, la commune a diligenté une nouvelle enquête publique, confiée à un autre commissaire-enquêteur. Par délibération du 20 février 2014 de son conseil municipal, elle a de nouveau autorisé le déclassement de la parcelle sans, toutefois, autoriser de nouveau la cession. Mmes C...et D...B...ont saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande tendant à l'annulation de cette troisième délibération. Par jugement du 23 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint les requêtes dirigées contre les délibérations des 14 février 2013 et 20 février 2014, a décidé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande tendant à l'annulation de la délibération du 14 février 2013 en tant qu'elle procédait au déclassement du domaine public de la parcelle CT 401, dès lors qu'elle pouvait être regardée comme ayant été retirée sur ce point, puis a rejeté le surplus des demandes. Par un arrêt du 8 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel de Mmes C...et D...B..., annulé le jugement du tribunal administratif en tant qu'il avait constaté un non-lieu partiel à statuer, annulé la délibération du 14 février 2013 en tant qu'elle prononçait le déclassement de la parcelle CT 401 et rejeté le surplus des conclusions d'appel. Mmes C...et D...B...se pourvoient en cassation dans cette mesure.

2. Les requérantes soutiennent en premier lieu que la cour aurait omis de répondre à leur moyen tiré de ce que la délibération du 14 février 2013 ne pouvait, après le retrait de la précédente autorisation, autoriser de nouveau la cession de la parcelle litigieuse sans qu'un nouvel avis du service des domaines ne soit recueilli. Toutefois, ainsi que l'a relevé la cour, le tribunal administratif de Lille avait rejeté comme irrecevables les conclusions des requérantes tendant à l'annulation de cette délibération en tant qu'elle autorisait la vente de la parcelle litigieuse, au motif que la demande n'était assortie de l'exposé d'aucun moyen dirigé contre cette partie de la délibération et que cette méconnaissance des prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative n'avait pas été régularisée dans le délai de recours contentieux. Il en résulte qu'après avoir jugé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que les requérantes ne la mettaient pas en mesure de se prononcer sur les erreurs qu'auraient pu commettre les premiers juges en opposant cette irrecevabilité, la cour a pu, sans irrégularité, se dispenser de répondre à l'argumentation par laquelle les requérantes contestaient la légalité de la délibération en tant qu'elle autorisait la cession.

3. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que ne peut qu'en tout état de cause être écarté le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur de droit en n'annulant pas la délibération du 14 février 2013 en tant qu'elle autorisait la cession de la parcelle en litige, par voie de conséquence de son annulation en tant qu'elle procédait à son déclassement.

4. En troisième lieu, le déclassement prononcé par la délibération du 20 février 2014 portant par lui-même désaffectation de la parcelle en litige, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la cour administrative d'appel aurait entaché son arrêt d'insuffisance de motivation en ne répondant pas explicitement à leur argumentation tirée de ce qu'une partie de cette parcelle était restée affectée à la circulation du public.

5. En dernier lieu, en relevant, d'une part, que le déclassement de la parcelle litigieuse prononcé par la délibération du 20 février 2014 avait pour objectif de permettre la construction d'un centre d'activité tertiaire dans le centre-ville et s'insérait dans un projet global d'aménagement du pôle de la gare, lequel était connu et engagé à cette date et, d'autre part, que le square situé sur la parcelle était de taille réduite et situé en zone urbaine pour en déduire qu'eu égard aux besoins en matière de développement économique et de revitalisation du centre de la commune et compte tenu du maintien des voies publiques nécessaires à la circulation des usagers, ce déclassement répondait à un objectif d'intérêt général alors même qu'il affecterait les habitudes de fréquentation de quelques usagers et de déplacements de riverains, la cour a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

6. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de Mmes C...et D...B...doit être rejeté, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à leur charge au titre de cet article, d'une part, la somme de 1 500 euros à verser à la commune d'Hazebrouck et, d'autre part, la somme de 1 500 euros à verser conjointement à la chambre de commerce et d'industrie du Grand Lille et à la SCI du centre tertiaire de Flandre intérieure.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mmes C...et D...B...est rejeté.

Article 2 : Mmes C...et D...B...verseront au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'une part, une somme de 1 500 euros à la commune d'Hazebrouck, et d'autre part, une somme de 1 500 euros conjointement à la chambre de commerce et d'industrie du Grand Lille et à la société civile immobilière du centre tertiaire de Flandre intérieure.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme C... B...et à Mme D...B..., à la commune d'Hazebrouck, à la chambre de commerce et d'industrie du Grand Lille et à la société civile immobilière du centre tertiaire de Flandre intérieure.