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Ariane Web: Conseil d'État 411695, lecture du 28 décembre 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:411695.20181228

Décision n° 411695
28 décembre 2018
Conseil d'État

N° 411695
ECLI:FR:CECHR:2018:411695.20181228
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. Bertrand Mathieu, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public
OCCHIPINTI ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, avocats


Lecture du vendredi 28 décembre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Le Syndicat des énergies du département de l'Isère a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la somme totale de 38 013,33 euros qui lui a été réclamée par le Centre national de la fonction publique territoriale par trois titres de recettes émis les 21 juin 2013, 14 novembre 2013 et 13 mars 2014, correspondant à la contribution due en application de l'article 97 bis de la loi du 26 janvier 1984 pour la prise en charge de Mme A... B...au cours des deuxième, troisième et quatrième trimestres 2013.

Par un jugement n° 1406671 du 26 mai 2015, le tribunal administratif de Paris a déchargé le Syndicat des énergies du département de l'Isère de la somme de 25 069,67 euros.

Par un arrêt n° 15PA03005 du 25 avril 2017, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le Centre national de la fonction publique territoriale contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 21 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Centre national de la fonction publique territoriale demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge du Syndicat des énergies du département de l'Isère la somme de 4 000 ? au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Mathieu, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Occhipinti, avocat du Centre national de la fonction publique territoriale et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat du Syndicat des énergies du département de l'Isère ;



1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que le Centre national de la fonction publique territoriale a pris en charge, à compter du mois d'août 2009, MmeB..., ingénieure en chef de classe normale, dont l'emploi de directeur au Syndicat des énergies du département de l'Isère avait été supprimé par une délibération du 30 juin 2008 ; qu'alors que Mme B...était prise en charge par le Centre national de la fonction publique territoriale, elle s'est vu confier une mission dans les services du département de la Loire entre le 13 mai et le 12 novembre 2013 ; que le Syndicat des énergies du département de l'Isère a contesté devant le tribunal administratif de Paris le montant des titres de recettes émis par le Centre national de la fonction publique territoriale correspondant à la part de rémunération de Mme B...à la charge du syndicat durant cette période ; que, par jugement du 26 mai 2015, le tribunal administratif de Paris a déchargé le syndicat de la somme de 25 069,67 euros ; que le Centre national de la fonction publique territoriale se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement ;

2. Considérant qu'en vertu de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans le cas où est supprimé un emploi dont est titulaire un fonctionnaire territorial, ce dernier est maintenu en surnombre pendant un an si la collectivité territoriale ou l'établissement qui l'emploie ne peut lui proposer un autre emploi correspondant à son grade ; qu'au terme de ce délai, " le fonctionnaire est pris en charge par le centre de gestion dans le ressort duquel se trouve la collectivité ou l'établissement, ou par le Centre national de la fonction publique territoriale s'il relève de l'un des cadres d'emplois de catégorie A auxquels renvoie l'article 45 " ; qu'en vertu du deuxième alinéa du I de cet article 97 : " Pendant la période de prise en charge, l'intéressé est placé sous l'autorité du Centre national de la fonction publique territoriale ou du centre de gestion, lesquels exercent à son égard toutes les prérogatives reconnues à l'autorité investie du pouvoir de nomination ; l'intéressé est soumis à tous les droits et obligations attachés à sa qualité de fonctionnaire ; il reçoit la rémunération correspondant à l'indice détenu dans son grade. Pendant cette période, le centre peut lui confier des missions y compris dans le cadre d'une mise à disposition réalisée dans les conditions prévues aux articles 61 et 62 et lui propose tout emploi vacant correspondant à son grade ; l'intéressé est tenu informé des emplois créés ou déclarés vacants par le centre. La rémunération nette perçue par le fonctionnaire pris en charge est réduite du montant des rémunérations nettes perçues à titre de cumul d'activités " ;

3. Considérant que, selon l'article 97 bis de la même loi, le Centre national de la fonction publique territoriale, lorsqu'il prend en charge un fonctionnaire dont l'emploi a été supprimé, " bénéficie d'une contribution de la collectivité ou l'établissement qui employait l'intéressé antérieurement " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de cet article 97 bis : " Pour les collectivités ou établissements affiliés soit obligatoirement, soit volontairement depuis au moins trois ans à la date de suppression de l'emploi, cette contribution est égale pendant les deux premières années à une fois et demie le montant constitué par les traitements bruts versés au fonctionnaire augmentés des cotisations sociales afférentes à ces traitements. Elle est égale à une fois ce montant, pendant la troisième année, et aux trois quarts de ce montant au-delà des trois premières années " ; que selon le cinquième alinéa de cet article : " Dans tous les cas, la contribution cesse lorsque le fonctionnaire a reçu une nouvelle affectation ou lorsque le fonctionnaire bénéficie d'un congé spécial de droit dans les conditions prévues à la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 99. Lorsque le fonctionnaire est placé par le centre compétent dans une position autre que l'activité, le calcul et le versement de la contribution mentionnée aux alinéas précédents sont suspendus à cette date jusqu'à la fin de la période correspondante. Lorsque le fonctionnaire fait l'objet d'une mise à disposition prévue à l'article 61 ou à l'article 62, la contribution est réduite à concurrence du remboursement effectué par la collectivité, l'établissement ou l'organisme d'accueil jusqu'à la fin de la période de mise à disposition " ;
4. Considérant que le premier alinéa de l'article 61 de la loi du 26 janvier 1984 dispose que " la mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son cadre d'emplois ou corps d'origine, est réputé y occuper un emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce ses fonctions hors du service où il a vocation à servir " ; qu'en vertu de l'article 61-1 de cette loi, la mise à disposition donne lieu à remboursement par la personne publique d'accueil ;

5. Considérant qu'il résulte de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 que le fonctionnaire qui a perdu son emploi et qui est pris en charge par le Centre national de la fonction publique territoriale est placé sous l'autorité du centre qui exerce à son égard les prérogatives de l'autorité investie du pouvoir de nomination ; que, pendant cette prise en charge, le centre peut confier au fonctionnaire des missions qui sont exercées soit pour le compte du centre pour satisfaire ses besoins propres, soit pour le compte de collectivités territoriales ou d'établissements publics ; que si l'article 97 prévoit que ces dernières missions exercées pour le compte de collectivités territoriales ou d'établissements publics peuvent être assurées dans le cadre d'une mise à disposition dans les conditions prévues aux articles 61 et 62 de la loi du 26 janvier 1984, ni les termes de cet article ni aucune autre disposition de la loi n'imposent d'avoir recours exclusivement à cette position statutaire ; que, par suite, en jugeant que la mission confiée à Mme B...par le Centre national de la fonction publique territoriale, exercée au sein des services du département de la Loire pour le compte de cette collectivité, ne pouvait que prendre la forme d'une mise à disposition dans les conditions prévues par les article 61 et suivants de la loi du 26 janvier 1984, pour en déduire que le Syndicat des énergies du département de l'Isère, ancien employeur public de MmeB..., devait être déchargé des sommes réclamées par le Centre national de la fonction publique territoriale pour sa prise en charge pendant la période considérée, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le Centre national de la fonction publique territoriale est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Syndicat des énergies du département de l'Isère une somme de 3 000 euros à verser au Centre national de la fonction publique territoriale au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions de cet article font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du Centre au même titre ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 25 avril 2017 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Le Syndicat des énergies du département de l'Isère versera au Centre national de la fonction publique territoriale une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le Syndicat des énergies du département de l'Isère au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au Centre national de la fonction publique territoriale et au Syndicat des énergies du département de l'Isère.
Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.



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