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Ariane Web: Conseil d'État 425813, lecture du 25 janvier 2019, ECLI:FR:CECHR:2019:425813.20190125

Décision n° 425813
25 janvier 2019
Conseil d'État

N° 425813
ECLI:FR:CECHR:2019:425813.20190125
Inédit au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Pierre Ramain, rapporteur
Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public
SCP MEIER-BOURDEAU, LECUYER ; SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats


Lecture du vendredi 25 janvier 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

1° Sous le numéro 425813, la société Magenta Discount, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la délibération n° 350 du 7 septembre 2018 modifiant la délibération modifiée n° 14 du 6 octobre 2004 portant réglementation économique et portant application de la " loi du pays " n° 2018-10 du 7 septembre 2018, a produit un mémoire enregistré le 13 novembre 2018 au greffe du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-167 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1800383 du 29 novembre 2018, enregistrée le 29 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, avant qu'il soit statué sur la requête de la société Magenta Discount, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des paragraphes I et II de l'article Lp. 411-2 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie et des paragraphes II et III de l'article 19 de la " loi du pays " n° 2016-15, issues de la " loi du pays " n° 2018-10 du 7 septembre 2018.

Dans la question prioritaire de constitutionnalité transmise et dans un mémoire en réplique enregistré le 4 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Magenta Discount soutient que :
- ces dispositions sont applicables au litige et n'ont pas fait l'objet d'une déclaration de conformité par le Conseil constitutionnel ;
- l'article Lp. 411-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la " loi du pays " du 7 septembre 2018, est entaché d'incompétence négative ce qui conduit à une atteinte à la liberté d'entreprendre et méconnaît cette liberté ;
- les paragraphes II et III de l'article 19 de la " loi du pays " du 30 septembre 2016 dans leur rédaction issue de la " loi du pays " du 7 septembre 2018 portent atteinte à la liberté d'entreprendre.


2° Sous le numéro 425814, la société Magenta Discount, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2018-2231 du 11 septembre 2018 relatif à la réglementation des prix dans certains secteurs d'activité, a produit un mémoire enregistré le 14 novembre 2018 au greffe du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-167 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1800391 du 29 novembre 2018, enregistrée le 29 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, avant qu'il soit statué sur la requête de la société Magenta Discount, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des paragraphes I et du II de l'article Lp. 411-2 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie, issues de la " loi du pays " n° 2018-10 du 7 septembre 2018.

Dans la question prioritaire de constitutionnalité transmise et dans un mémoire en réplique enregistré le 4 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Magenta Discount soutient que les dispositions du I et du II de l'article Lp 411-2 du code de commerce applicable Nouvelle-Calédonie, dans leur rédaction issue de la " loi du pays " du 7 septembre 2018, méconnaissent la liberté d'entreprendre.

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3° Sous le numéro 425815, la société Magenta Discount, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2018-2273 du 18 septembre 2018 pris pour l'application de l'article Lp. 412-3 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie, a produit un mémoire enregistré le 13 novembre 2018 au greffe du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-167 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1800395 du 29 novembre 2018, enregistrée le 29 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, avant qu'il soit statué sur la requête de la société Magenta Discount, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article Lp. 412-4 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie et des dispositions des paragraphes II et III de l'article 19 de la loi du pays n° 2016-15, issues de la " loi du pays " n° 2018-10 du 7 septembre 2018.

Dans la question prioritaire de constitutionnalité transmise et dans un mémoire en réplique enregistré le 4 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Magenta Discount soutient que les dispositions de l'article Lp. 412-4 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie et celles des II et III de l'article 19 de la loi du pays n°2016-15, dans leur rédaction issue de la " loi du pays " du 7 septembre 2018, méconnaissent la liberté d'entreprendre.

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4° Sous le numéro 426254, la société Super Auteuil, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2018-2273 du 18 septembre 2018 pris pour l'application de l'article Lp. 412-3 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie, a produit un mémoire enregistré le 23 novembre 2018 au greffe du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-167 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1800409 du 13 décembre 2018, enregistrée le 14 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, avant qu'il soit statué sur la requête de la société Super Auteuil, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article Lp. 412-4 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie, issues de la " loi du pays " n° 2018-10 du 7 septembre 2018.

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5° Sous le numéro 426387, la société Super Auteuil, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la délibération n° 350 du 7 septembre 2018 modifiant la délibération modifiée n° 14 du 6 octobre 2004 portant réglementation économique et portant application de la " loi du pays " du 7 septembre 2018, a produit un mémoire enregistré le 23 novembre 2018 au greffe du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-167 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1800415 du 13 décembre 2018, enregistrée le 18 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, avant qu'il soit statué sur la requête de la société Super Auteuil, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 2, 3 et 4 de la " loi du pays " n° 2018-10 du 7 septembre 2018 modifiant les dispositions du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie, de la " loi du pays " n° 2016-15 du 30 septembre 2016 et adoptant d'autres dispositions.

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 ;
- le code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie ;
- la " loi du pays " n° 2016-15 du 30 septembre 2016 ;
- loi n° 2016-14 du 30 septembre 2017 ;
- la " loi du pays " n° 2018-10 du 7 septembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 17 janvier 2018, présentées pour le congrès de la Nouvelle-Calédonie et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Ramain, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Société Magenta Discount , à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et du congrès de la Nouvelle-Calédonie et à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de la Société Super Auteuil ;



Considérant ce qui suit :

1. Les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées sous les numéros 425813, 425814, 425815, 426254 et 426387 portent sur les mêmes dispositions de la " loi du pays " du 7 septembre 2018 modifiant les dispositions du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie et de la " loi du pays " n° 2016-15 du 30 septembre 2016 et adoptant d'autres dispositions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
3. Les dispositions des articles 2, 3 et 4 de la " loi du pays " du 7 septembre 2018 modifiant respectivement les dispositions des articles Lp. 411-2 et Lp. 412-4 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie et de l'article 19 de la " loi du pays " du 30 septembre 2016 relative à la concurrence, à la compétitivité et au prix visent à renforcer la réglementation des prix en Nouvelle-Calédonie pour limiter les conséquences sur les prix de l'entrée en vigueur de la taxe générale sur la consommation. Ces dispositions instituent un mécanisme permanent de contrôle des prix sur les produits et services, prévoient un plafonnement des marges pendant douze mois à compter de la date d'entrée en vigueur de la taxe générale sur la consommation ainsi que la possibilité pour le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de recourir à un mécanisme temporaire de contrôle des prix et des marges des entreprises en cas de dérives des prix. Elles mettent par ailleurs à la charge des commerçants détaillants et des commerçants en gros de Nouvelle-Calédonie des obligations de déclaration de leurs prix, de leurs marges et de leurs coûts de revient afin de donner au service compétent du gouvernement les éléments nécessaires à la mise en oeuvre de ces mécanismes de contrôle des prix.

4. Les sociétés requérantes soutiennent que les dispositions de l'article 2 de la " loi du pays " du 7 septembre 2018 méconnaissent l'article 34 de la Constitution, en tant qu'elles sont entachées d'incompétence négative et portent atteinte à la liberté d'entreprendre garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Elles font également valoir que les dispositions des articles 3 et 4 de la " loi du pays " du 7 septembre 2018 méconnaissent le principe de sécurité juridique et la liberté d'entreprendre.

5. Les dispositions des articles 2, 3 et 4 de la " loi du pays " du 7 septembre 2018 sont applicables aux litiges dont est saisi le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie. Ces dispositions n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment à la liberté d'entreprendre, soulève une question présentant un caractère sérieux. Par suite, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel ces questions prioritaires de constitutionnalité.



D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions des articles 2, 3 et 4 de la " loi du pays " du 7 septembre 2018 modifiant les dispositions du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie et de la " loi du pays " n°2016-15 du 30 septembre 2016 et adoptant d'autres dispositions est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Magenta Discount, à la société Super Auteuil, au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et au président du congrès de Nouvelle-Calédonie.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.



Voir aussi