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Ariane Web: Conseil d'État 422007, lecture du 8 février 2019, ECLI:FR:CECHS:2019:422007.20190208

Décision n° 422007
8 février 2019
Conseil d'État

N° 422007
ECLI:FR:CECHS:2019:422007.20190208
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre
M. Paul Bernard, rapporteur
Mme Sophie Roussel, rapporteur public
SCP BOULLOCHE ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN, avocats


Lecture du vendredi 8 février 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme D...C...et M. A...B...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune d'Annesse et Beaulieu (Dordogne) à leur verser une indemnité de 3 888 euros en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait de la mention d'un taux de taxe d'aménagement communal erroné figurant sur le certificat d'urbanisme qui leur a été délivré le 29 octobre 2012.

Par un jugement n° 1405158 du 16 juin 2016, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 16BX02815 du 28 juin 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, par application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi formé par Mme C...et M. B...contre ce jugement.

Par ce pourvoi et par deux mémoires complémentaires, enregistrés les 12 août et 9 septembre 2016 et le 17 octobre 2017 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, Mme C...et M. B...demandent :

1°) l'annulation de ce jugement ;

2°) à ce qu'il soit fait droit à leur demande ;

3°) à ce que soit mise à la charge de la commune d'Annesse et Beaulieu la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Paul Bernard, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de Mme C...et de M. B...;




Considérant ce qui suit :

1. En vertu de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, le certificat d'urbanisme indique notamment, en fonction de la demande présentée, " la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain " et dispose que : " Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique ".

2. Aux termes de l'article L. 331-1 du même code : " En vue de financer les actions et opérations contribuant à la réalisation des objectifs définis à l'article L. 121-1, les communes ou établissements publics de coopération intercommunale, les départements et la région d'Ile-de-France perçoivent une taxe d'aménagement. La taxe d'aménagement constitue un élément du prix de revient de l'ensemble immobilier au sens de l'article 302 septies B du code général des impôts ". Aux termes de l'article L. 331-14 du même code : " Par délibération adoptée avant le 30 novembre, les communes ou établissements publics de coopération intercommunale bénéficiaires de la part communale ou intercommunale de la taxe d'aménagement fixent les taux applicables à compter du 1er janvier de l'année suivante. Les communes ou établissements publics de coopération intercommunale peuvent fixer des taux différents dans une fourchette comprise entre 1 % et 5 %, selon les aménagements à réaliser, par secteurs de leur territoire définis par un document graphique figurant, à titre d'information, dans une annexe au plan local d'urbanisme ou au plan d'occupation des sols. A défaut de plan local d'urbanisme ou de plan d'occupation des sols, la délibération déterminant les taux et les secteurs ainsi que le plan font l'objet d'un affichage en mairie, conformément aux dispositions des articles L. 2121-24 et L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales. La délibération est valable pour une période d'un an. Elle est reconduite de plein droit pour l'année suivante si une nouvelle délibération n'a pas été adoptée dans le délai prévu au premier alinéa. En l'absence de toute délibération fixant le taux de la taxe, ce dernier est fixé à 1 % dans les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale où la taxe est instituée de plein droit (...) ". L'article L. 331-20 de ce code dispose que : " La taxe d'aménagement est liquidée selon la valeur et les taux en vigueur à la date soit de la délivrance de l'autorisation de construire ou d'aménager ou du permis modificatif, soit de la naissance d'une autorisation tacite de construire ou d'aménager, soit de la décision de non-opposition à une déclaration préalable, soit du procès-verbal constatant les infractions. Si l'autorisation est déposée pendant la période de validité d'un certificat d'urbanisme, le taux le plus favorable est appliqué ".

3. Si le certificat d'urbanisme a pour effet de garantir à son titulaire un droit à voir sa demande de permis de construire déposée dans les dix-huit mois examinée au regard du régime des taxes et participations d'urbanisme qu'il mentionne, la règle fixée par l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme ne saurait avoir pour effet de justifier la délivrance d'un permis de construire en méconnaissance des dispositions légalement applicables à la date du certificat, alors même que ce dernier aurait omis d'en faire mention ou aurait comporté une mention inexacte. Par suite, la circonstance que l'auteur du certificat d'urbanisme a omis de mentionner une participation ou une taxe légalement applicable à la date de la délivrance de ce document, ou a donné une indication inexacte, n'est pas de nature à créer, au profit du bénéficiaire d'un permis de construire, des droits acquis à ne pas acquitter les sommes dues à ce titre lors de la délivrance du permis.

4. Dès lors, en jugeant que la circonstance que le certificat d'urbanisme qui a été délivré à Mme C...et de M. B...le 29 octobre 2012 mentionnait de manière erronée que le taux de la taxe d'aménagement était de 0,3 %, alors que le conseil municipal l'avait fixé à 3 %, n'était pas de nature à créer à leur profit un droit acquis à ne pas acquitter la somme due à ce titre lors de la délivrance du permis de construire, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit.

5. Pour juger, en outre, que la faute commise en portant une mention inexacte dans le certificat d'urbanisme n'avait pas été de nature à causer directement le préjudice invoqué par Mme C...et de M.B..., le tribunal administratif a jugé qu'il n'était pas établi qu'ils auraient renoncé à leur projet immobilier si le certificat d'urbanisme avait mentionné un taux de taxe d'aménagement de 3 % et non le taux inférieur de 0,3 % et qu'ils n'établissaient pas avoir dû souscrire un emprunt en vue de payer le montant de la taxe. En statuant ainsi, le tribunal administratif s'est livré, sans erreur de droit, à une appréciation souveraine des faits de l'espèce qui, exempte de dénaturation, n'est pas susceptible d'être remise en cause par le juge de cassation.

6. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de Mme C...et de M. B... ne peut qu'être rejeté, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a, en tout état de cause, pas lieu de faire droit, dans les circonstances de l'espèce, aux conclusions présentées au même titre par la commune d'Annesse et Beaulieu.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme C...et M. B...est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Annesse et Beaulieu au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme D...C..., à M. A...B...et à la commune d'Annesse et Beaulieu.