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Ariane Web: Conseil d'État 421468, lecture du 28 mars 2019, ECLI:FR:CECHR:2019:421468.20190328

Décision n° 421468
28 mars 2019
Conseil d'État

N° 421468
ECLI:FR:CECHR:2019:421468.20190328
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème et 6ème chambres réunies
M. Jean-Dominique Langlais, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT, avocats


Lecture du jeudi 28 mars 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. C...A...et Mme D...B..., épouseA..., ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 6 août 2014 par lequel le préfet du Jura a prononcé la saisie définitive des armes et munitions leur appartenant et d'enjoindre au préfet de leur restituer ces armes et munitions. Par un jugement n° 140550-1401435 du 1er mars 2016, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 16NC00772 du 20 février 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé contre ce jugement par M. et MmeA....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juin et 13 septembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Potier de la Varde, Buk-Lament, Robillot, leur avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk-Lament, Robillot, avocat de M. et MmeA....



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un arrêté du 9 octobre 2012, le préfet du Jura a, par application de l'article L. 312-7 du code de la sécurité intérieure, ordonné à M. A...de remettre les armes qu'il détenait à l'autorité administrative. Par un arrêté du 6 août 2014, le préfet a prononcé la saisie définitive de ces armes. M. et Mme A... ont présenté contre cet arrêté un recours pour excès de pouvoir que le tribunal administratif de Besançon a rejeté par un jugement du 1er mars 2016, confirmé par un arrêt du 20 février 2018 de la cour administrative d'appel de Nancy contre lequel ils se pourvoient en cassation.

2. Aux termes de l'article L. 312-7 du code de la sécurité intérieure : " Si le comportement ou l'état de santé d'une personne détentrice d'armes et de munitions présente un danger grave pour elle-même ou pour autrui, le représentant de l'Etat dans le département peut lui ordonner, sans formalité préalable ni procédure contradictoire, de les remettre à l'autorité administrative, quelle que soit leur catégorie ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 312-9 : " La conservation de l'arme et des munitions remises ou saisies est confiée pendant une durée maximale d'un an aux services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétents. / Durant cette période, le représentant de l'Etat dans le département décide, après que la personne intéressée a été mise à même de présenter ses observations, soit la restitution de l'arme et des munitions, soit la saisie définitive de celles-ci. / Les armes et les munitions définitivement saisies en application du précédent alinéa sont vendues aux enchères publiques. Le produit net de la vente bénéficie aux intéressés ". Aux termes de l'article L. 312-10 : " Il est interdit aux personnes dont l'arme et les munitions ont été saisies en application de l'article L. 312-7 ou de l'article L. 312-9 d'acquérir ou de détenir des armes et des munitions, quelle que soit leur catégorie. / Le représentant de l'Etat dans le département peut cependant décider de limiter cette interdiction à certaines catégories ou à certains types d'armes. / Cette interdiction cesse de produire effet si le représentant de l'Etat dans le département décide la restitution de l'arme et des munitions dans le délai mentionné au premier alinéa de l'article L. 312-9. Après la saisie définitive, elle peut être levée par le représentant de l'Etat dans le département en considération du comportement du demandeur ou de son état de santé depuis la décision de saisie ". Aux termes de l'article R. 312-69 : " Avant de prendre la décision prévue au deuxième alinéa de l'article L. 312-9, le préfet invite la personne qui détenait l'arme et les munitions à présenter ses observations, notamment quant à son souhait de les détenir à nouveau et quant aux éléments propres à établir que son comportement ou son état de santé ne présente plus de danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui, au vu d'un certificat médical délivré par un médecin spécialiste mentionné à l'article R. 312-6 ".

3. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet s'est fondé sur le danger présenté par une personne pour lui ordonner de remettre une arme à l'autorité administrative, cette mesure emporte pour l'intéressé une interdiction d'acquérir ou de détenir des armes et munitions qui produit effet tant que le préfet n'a pas décidé la restitution de l'arme. Le préfet dispose d'un délai d'un an pour décider, après avoir invité la personne à présenter ses observations, la restitution ou la saisie définitive de l'arme. L'expiration de ce délai ne le prive pas de la possibilité de prendre l'une ou l'autre de ces décisions mais ouvre seulement à l'intéressé la possibilité de rechercher la responsabilité de l'Etat au titre des préjudices que le retard apporté à la décision a pu lui causer. En jugeant que l'expiration du délai prévu par l'article L. 312-9 du code de la sécurité intérieure sans qu'une décision de saisie définitive ait été prise n'entraînait pas le droit pour leur propriétaire d'obtenir la restitution de ses armes, la cour administrative d'appel n'a, dès lors, pas commis d'erreur de droit.

4. La cour administrative d'appel a, en second lieu, estimé au vu des conclusions d'un rapport d'expertise psychiatrique du 2 février 2013, qui concluait à l'existence d'un délire de persécution chez M.A..., et des faits relevés par le jugement du tribunal correctionnel de Lons-le-Saunier du 29 novembre 2013 condamnant celui-ci à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis, assortie d'une obligation de soins, pour des faits de violence ou menace avec arme, qu'en dépit de trois certificats médicaux, postérieurs mais rédigés en termes succincts, par lesquels l'intéressé prétendait justifier de sa capacité à détenir les armes en cause, le préfet du Jura avait exactement apprécié les risques que son comportement ou son état de santé présentait pour lui-même ou pour autrui. En se prononçant par ces motifs, elle n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. et Mme A...doit être rejeté, ainsi que leurs conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme A...est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C...A..., à Mme D...B..., épouse A...et au ministre de l'intérieur.


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