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Ariane Web: Tribunal des conflits C3835, lecture du 2 avril 2012

Décision n° C3835
2 avril 2012
Tribunal des conflits

N° C3835
Inédit au recueil Lebon

M. Gallet, président
M. Jean-Marc Beraud, rapporteur
M. Collin, commissaire du gouvernement


Lecture du lundi 2 avril 2012
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu, enregistrée à son secrétariat le 20 juillet 2011, l'expédition de la décision du 27 juin 2011 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi de la requête de Mme A tendant à l'annulation du jugement du 22 janvier 2009 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a partiellement fait droit à sa demande de dommages et intérêts pour rupture irrégulière d'un contrat emploi-solidarité requalifié de contrat à durée indéterminée pour défaut d'écrit et à ce qu'il soit fait droit à ses conclusions indemnitaires à l'encontre du collège La Loge des Bois à Senonches, constatant que la cour d'appel de Versailles primitivement saisie par Mme A avait, par arrêt du 6 mai 2004 passé en force de chose jugée, décliné la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire pour connaître des litiges liés aux conséquences à tirer de la qualification d'un contrat emploi-solidarité, a, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, renvoyé au Tribunal le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 6 mai 2004 procédant à la requalification du contrat emploi-solidarité de Mme A en contrat à durée indéterminée pour défaut d'écrit, mais déclinant la compétence du juge judiciaire pour connaître des conséquences indemnitaires à tirer de cette requalification ;

Vu, enregistré le 12 septembre 2011, le mémoire présenté pour Mme A tendant à ce que soit affirmée la compétence des juridictions judiciaires ;

Vues, enregistrées le 12 octobre 2011, les observations présentées par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, tendant à ce que soit affirmée cette même compétence ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée au collège La loge des Bois à Senonches qui n'a pas produit de mémoire ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Vu le code du travail, notamment ses articles L. 322-4-7 et L. 322-4-8, alors applicables ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Béraud, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, pour Mme A,
- les conclusions de M. Pierre Collin, commissaire du gouvernement ;



Considérant que Mme A a été employée en qualité de surveillante par le collège La Loge des Bois à Senonches par plusieurs contrats emploi-solidarité ; que le 1er janvier 2002, elle a de nouveau été engagée par un tel contrat pour une durée de douze mois pour des fonctions d'aide à la surveillance après qu'une convention a été passée entre l'Etat et son employeur ; que le 30 juin 2002, le collège a mis fin à ce contrat ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 322-4-8 du code du travail, alors applicable, les contrats emploi-solidarité sont des contrats de droit privé à durée déterminée et à temps partiel ; qu'il appartient en principe à l'autorité judiciaire de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion, de l'exécution et de la rupture d'un tel contrat, même si l'employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif ; qu'il lui incombe, à ce titre, de se prononcer sur une demande de requalification du contrat ;

Considérant toutefois que, d'une part, dans le cas où la contestation met en cause la légalité de la convention passée entre l'Etat et l'employeur, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur la question préjudicielle ainsi soulevée ; que, d'autre part, le juge administratif est également seul compétent pour tirer les conséquences d'une éventuelle requalification d'un contrat, soit lorsque que celui-ci n'entre pas en réalité dans le champ des catégories d'emplois, d'employeurs ou de salariés visées à l'article L. 322-4-7 du code du travail, soit lorsque la requalification effectuée par le juge judiciaire, pour un autre motif, a pour conséquence non la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat mais la poursuite d'une relation contractuelle entre le salarié et la personne morale de droit public gérant un service public administratif, au-delà du terme du ou des contrats relevant de la compétence du juge judiciaire ;

Considérant que Mme A soutenait que, faute d'avoir été passé par écrit en méconnaissance des exigences prévues par l'article L. 322-4-8 du code du travail, son contrat emploi-solidarité devait être requalifié en contrat à durée indéterminée et demandait, outre un rappel de salaire relevant de son exécution, des dommages et intérêts réparant le préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de sa rupture ; que dès lors, il appartenait au juge judiciaire, qui avait procédé à la requalification demandée sur le fondement invoqué, de statuer sur ces demandes ;



D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant Mme A au collège La loge des Bois à Senonches.

Article 2 : L'arrêt du 6 mai 2004 de la cour d'appel de Versailles est déclaré nul et non avenu en tant qu'il décline la compétence de cette juridiction à connaître des demandes indemnitaires de Mme A liées à la requalification de son contrat. La cause et les parties sont renvoyées devant cette juridiction.

Article 3 : La procédure suivie devant les juridictions administratives est déclarée nulle et non avenue, à l'exception de l'arrêt rendu le 27 juin 2011 par le Conseil d'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.