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Ariane Web: Tribunal des conflits C3882, lecture du 18 février 2013

Décision n° C3882
18 février 2013
Tribunal des conflits

N° C3882
Mentionné au tables du recueil Lebon

M. Gallet, président
M. Jean-Marc Béraud, rapporteur
Mme Escaut, commissaire du gouvernement


Lecture du lundi 18 février 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





Vu, enregistrée à son secrétariat le 20 avril 2012, l'expédition du jugement du 18 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Lille, saisi d'une demande de M.B..., ancien salarié des Charbonnages de France, dirigée contre l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs et relative aux prestations de logement et de chauffage prévues par le statut des mineurs, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu l'arrêt du 30 janvier 2009 par lequel la cour d'appel de Douai a décliné sa compétence au profit des juridictions de l'ordre administratif ;

Vu, enregistré le 5 juillet 2012, le mémoire présenté pour l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs par la SCP Thouin-Palat et Boucard qui demande au Tribunal de statuer ce que de droit ;

Vu, enregistrées le 7 janvier 2013, les observations du ministre chargé du travail tendant à ce que soit reconnue la compétence du juge judiciaire au motif que l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs est substituée aux anciens employeurs constitués sous la forme d'établissements publics à caractère industriel et commercial dont les litiges avec leur personnel relevaient de ce même juge ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui n'a pas produit de mémoire ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Vu la loi n° 2004-105 du 3 février 2004 portant création de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs ;

Vu le décret n°2004-1466 du 23 décembre 2004 relatif à l'agence nationale pour la garantie des droits des mineurs ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Béraud, membre du Tribunal,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, commissaire du gouvernement ;


Considérant que M.B..., ancien mineur de fond des Houillères du Nord et du Pas-de-Calais aux droits desquelles est venu Charbonnages de France, a saisi le juge prud'homal d'une demande tendant à la condamnation de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs à lui assurer le bénéfice des prestations de logement et de chauffage prévues par le statut du mineur ; que par arrêt du 30 janvier 2009, la cour d'appel de Douai a décliné sa compétence au profit des juridictions de l'ordre administratif au motif que la demande était dirigée contre un établissement public à caractère administratif ; que par jugement du 18 avril 2012, le tribunal administratif de Lille, estimant que le litige relevait des juridictions judiciaires en raison de sa nature, a sursis à statuer et a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de trancher la question de compétence ;

Considérant qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 3 février 2004 portant création de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, cette dernière a pour mission de garantir, au nom de l'Etat, les droits sociaux des anciens agents des entreprises minières et ardoisières ayant cessé définitivement leur activité ; qu'aux termes de l'article 2 de cette même loi, l'Agence assume les obligations de l'employeur, en lieu et place des entreprises minières et ardoisières ayant définitivement cessé leur activité, envers leurs anciens agents (...) et qu'à ce titre, elle verse ou attribue l'ensemble des prestations dues aux anciens agents des entreprises minières et ardoisières ayant cessé définitivement leur activité, aux anciens agents de leurs filiales relevant du régime spécial de la sécurité sociale dans les mines et à leurs ayants droit à l'exception, d'une part, de celles prévues par le code de la sécurité sociale et les textes relatifs au régime spécial de la sécurité sociale dans les mines, et, d'autre part, de celles prévues conventionnellement qui peuvent leur être assimilées ; qu'aux termes de l'article 2, 11° du décret n° 2004-1466 du 23 décembre 2004, l'agence se substitue aux entreprises dans les contentieux relatifs aux droits et prestations relevant de sa compétence ainsi que dans ceux liés à la cessation d'activité des entreprises et relevant de sa compétence, notamment les contentieux relatifs au droit du travail ;

Considérant que les relations entre l'établissement public industriel et commercial Charbonnages de France et ses agents étaient soumises à un régime de droit privé ; que, dès lors, les litiges d'ordre individuel susceptibles de naître entre l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs et ces mêmes agents sur le versement de prestations qu'ils estiment leur être dues au titre de leur qualité d'anciens salariés de Charbonnages de France revêtent eux aussi, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus de la loi du 3 février 2004 et du décret du 23 décembre 2004, et ce nonobstant la circonstance que l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs est un établissement public administratif, un caractère de droit privé ;

Qu'il en résulte que le litige opposant M. B...à l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs sur les prestations de logement et de chauffage relève du juge judiciaire ;


D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant M. B...à l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs.

Article 2 : L'arrêt de la cour d'appel de Douai est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant cette juridiction.

Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Lille est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu le 18 avril 2012 par ce tribunal.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.