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Ariane Web: Tribunal des conflits C3772, lecture du 4 juillet 2011

Décision n° C3772
4 juillet 2011
Tribunal des conflits

N° C3772
Mentionné au tables du recueil Lebon

M. Gallet, président
M. Jean-Marc Beraud, rapporteur
M. Collin, commissaire du gouvernement


Lecture du lundi 4 juillet 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu, enregistrée à son secrétariat le 17 mars 2010, l'expédition de l'arrêt du 9 mars 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, saisie d'une demande de M. A tendant à ce que soit annulé le jugement du tribunal administratif de Grenoble rejetant sa demande de dommages et intérêts dirigée contre l'Institut national polytechnique de Grenoble consortium et à ce que ce dernier soit condamné à lui verser la somme de 39 900 euros au titre des préjudices subis du fait de son maintien en situation irrégulière du mois de septembre 1992 au mois d'avril 1997, une somme égale à celle qu'il a dû reverser à l'Assedic, une somme de 3 000 euros au titre de l'indemnité de licenciement, celle de 2 400 euros pour non respect du préavis, et celles de 9 762 et 10 000 euros en réparation de son préjudice moral et de celui résultant de l'irrégularité de son licenciement, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu l'arrêt, devenu définitif, du 12 mai 2003 par lequel la cour d'appel de Grenoble, après avoir procédé à la requalification des contrats emploi-solidarité conclus entre M. A et l'Institut polytechnique de Grenoble et dit que ce dernier avait également la qualité d'employeur pour les contrats conclus avec l'Association pour le développement des recherches, s'est déclarée incompétente pour statuer sur les demandes de ce dernier ;

Vu, enregistré le 26 mai 2011, le mémoire présenté par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, par le motif qu'il lui appartient seule de tirer les conséquences des requalifications opérées par la cour d'appel de Grenoble s'agissant des contrats emploi-solidarité, et qu'elle peut seule substituer, en qualité d'employeur, l'Institut national polytechnique de Grenoble à l'Association ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à M. A qui n'a pas produit de mémoire ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié, et notamment ses articles 35 et suivants ;

Vu le code du travail ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Beraud, membre du Tribunal,
- les conclusions de M. Pierre Collin, commissaire du gouvernement ;



Considérant que M. A a été recruté par l'Institut national polytechnique de Grenoble en qualité d'agent contractuel vacataire à plein temps du 1er septembre 1992 au 30 octobre 1992, puis, par un contrat emploi-solidarité, du 2 novembre 1992 au 1er novembre 1993 et, de nouveau en qualité de vacataire, du 1er novembre 1993 au 31 janvier 1994 ; que du 1er mars 1994 au 31 août 1995, il a été engagé, dans le cadre d'un contrat de qualification, par l'Association pour le développement des recherches ; que du 1er octobre 1995 au 31 août 1996, il a été recruté, à temps partiel, en qualité d'agent contractuel, régi par le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986, par l'Institut national polytechnique de Grenoble ; que du 1er octobre au 31 décembre 1996, il a été de nouveau salarié à temps partiel de l'Association pour le développement des recherches ; que du 1er janvier au 23 avril 1997, il a été agent contractuel à plein temps de l'Institut national polytechnique de Grenoble, avant de signer avec celui-ci, le 24 avril 1997, un contrat emploi-solidarité ; que par lettre du 21 mai 1997, M. A a démissionné de son emploi ; que, soutenant que les contrats emploi-solidarité et ceux conclus avec l'Association étaient irréguliers, qu'il n'avait en réalité occupé qu'un seul et même emploi permanent au sein de l'Institut national polytechnique de Grenoble et que sa démission devait être requalifiée en licenciement, M. A a saisi le juge prud'hommal de diverses demandes indemnitaires ; qu'après avoir procédé aux requalifications demandées et dit que l'Institut national polytechnique de Grenoble avait été le seul employeur de M. A, la cour d'appel de Grenoble s'étant déclarée incompétente pour statuer sur les conséquences indemnitaires de ces irrégularités, M. A a saisi le juge administratif ;

Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article L. 322-4-8 du code du travail, alors applicable, le contrat emploi-solidarité est un contrat de droit privé à durée déterminée et à temps partiel ; qu'il appartient en principe à l'autorité judiciaire de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion, de l'exécution et de la rupture d'un tel contrat, même si l'employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif ; qu'il lui incombe, à ce titre, de se prononcer sur une demande de requalification du contrat ; que, toutefois, le juge administratif est seul compétent pour tirer les conséquences d'une éventuelle requalification d'un contrat, s'il apparaît que celui-ci n'entre pas en réalité dans les prévisions de l'article L. 322-4-7 du code du travail, alors applicable ;

Considérant, d'autre part, que, sauf dispositions législatives contraires, les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif géré par une personne publique sont des agents contractuels de droit public, quel que soit leur emploi ; qu'une telle situation peut résulter, s'agissant d'un salarié mis à la disposition d'un employeur public par une personne de droit privé, de ce que cette dernière ne constitue que l'instrument d'une extériorisation irrégulière de la main-d'oeuvre et de l'emploi dont la sanction consiste en la substitution de la personne publique, en qualité d'employeur, à la personne privée avec laquelle le contrat de travail a été conclu ;

Qu'il résulte de ce qui précède que la juridiction administrative est compétente pour connaître des demandes de M. A ;



D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction de l'ordre administratif est compétente pour tirer les conséquences indemnitaires résultant de la requalification, prononcée par le juge judiciaire, des contrats emploi-solidarité conclus entre M. A et l'Institut national polytechnique de Grenoble et pour connaître des demandes tendant à faire juger que ce même institut est l'employeur réel de
M. A dans les contrats de travail que ce dernier a conclus avec l'Association pour le développement des recherches.

Article 2 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 9 mars 2010 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant cette juridiction.

Article 3 : La procédure suivie devant la cour d'appel de Grenoble est déclarée nulle et non avenue à l'exception de l'arrêt rendu le 12 mai 2003.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui est chargé d'en assurer l'exécution.


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