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Ariane Web: Tribunal des conflits C3786, lecture du 6 juillet 2011

Décision n° C3786
6 juillet 2011
Tribunal des conflits

N° C3786
Inédit au recueil Lebon

M. Gallet, président
Mme Laurence Pécaut-Rivolier, rapporteur
M. Guyomar, commissaire du gouvernement


Lecture du mercredi 6 juillet 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu, enregistrée à son secrétariat le 8 juin 2010, l'expédition du jugement en date du 1er juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Lille, saisi d'une demande de Mme A tendant à la condamnation de la commune de Cysoing à lui payer diverses sommes en réparation du préjudice subi suite à son licenciement, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu l'arrêt du 31 mai 2006 par lequel la cour d'appel de Douai a renvoyé la demanderesse à mieux se pourvoir sur ce litige ;

Vu, enregistré le 6 août 2010, le mémoire présenté pour Mme A qui conclut à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, par le motif que les demandes présentées par un salarié, dont le contrat a été requalifié en contrat à durée indéterminée, tendant à obtenir l'indemnisation des conséquences de la requalification et de la rupture de son contrat emploi consolidé relève de ces juridictions ;

Vu, enregistré le 19 juillet 2010, les observations présentées par le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, qui concluent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire par le motif que l'action portant sur la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail relève de ces juridictions ;


Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à la commune de Cysoing qui n'a pas produit de mémoire ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié, et notamment ses articles 35 et suivants ;
Vu le code du travail ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Pécaut-Rivolier, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin pour Mme A,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, commissaire du gouvernement ;




Considérant qu'en application d'une convention conclue entre l'Etat et la commune de Cysoing, celle-ci a engagé Mme A à compter du 1er novembre 1997 par un contrat emploi solidarité d'une durée d'un an, suivi d'un second contrat emploi solidarité conclu pour la même durée, puis d'un contrat emploi consolidé conclu pour une durée totale de 60 mois ; que par un courrier du 15 octobre 2004, le maire de Cysoing a informé Mme A qu'il mettait fin à ses fonctions ; que Mme A a saisi le conseil de prud'hommes de Lille d'une action tendant à la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée, et à la condamnation de la commune de Cysoing à lui verser diverses indemnités ; que sur appel de la décision du conseil des prud'hommes qui avait débouté la salariée de ses demandes, la cour d'appel de Douai a dit que le contrat emploi solidarité consolidé devait être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, au motif que la commune n'avait pas respecté ses obligations relatives à la formation et à l'orientation professionnelle de sa salariée, et renvoyé cette dernière à mieux se pourvoir pour le surplus ; que Mme A a porté ses demandes indemnitaires devant le tribunal administratif de Lille qui a saisi le Tribunal des conflits de la question de compétence ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 322-4-8 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, les contrats emploi solidarité et emploi consolidé sont des contrats de droit privé à durée déterminée et à temps partiel ; qu'il appartient en principe à l'autorité judiciaire de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion, de l'exécution et de la rupture d'un tel contrat, même si l'employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif ; qu'il lui incombe, à ce titre, de se prononcer sur une demande de requalification du contrat ;

Considérant, toutefois, que, d'une part, dans le cas où la contestation met en cause la légalité de la convention passée entre l'Etat et l'employeur, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur la question préjudicielle ainsi soulevée ; que, d'autre part, le juge administratif est également seul compétent pour tirer les conséquences d'une éventuelle requalification d'un contrat, soit lorsque celui-ci n'entre en réalité pas dans le champ des catégories d'emplois, d'employeurs ou de salariés visées à l'article L. 322-4-7 du code du travail, soit lorsque la requalification effectuée par le juge judiciaire, pour un autre motif, a pour conséquence non la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat mais la poursuite d'une relation contractuelle entre le salarié et la personne morale de droit public gérant un service public administratif, au-delà du terme du ou des contrats relevant de la compétence du juge judiciaire ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la requalification de la relation contractuelle entre Mme A et la commune de Cysoing a été ordonnée par la cour d'appel de Douai pour un motif tenant à l'absence de respect par la commune des obligations relatives à la formation et à l'orientation professionnelle posées par l'article L. 322-4-8 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, et que les demandes de Mme A tendent à la réparation du préjudice résultant de rupture de la relation contractuelle ; que, dès lors, le juge judiciaire est seul compétent pour statuer sur les demandes indemnitaires de Mme A ;



D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour statuer sur les demandes indemnitaires formées par Mme A à l'encontre de la commune de Cysoing.

Article 2 : L'arrêt de la cour d'appel de Douai en date du 31 mai 2006 est déclaré nul et non avenu en tant qu'il a renvoyé les parties à mieux se pourvoir sur les demandes indemnitaires de Mme A. La cause et les parties sont renvoyées devant cette cour d'appel.

Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Lille est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu le 1er juin 2010 par cette juridiction.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui est chargé d'en assurer l'exécution.