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Ariane Web: Tribunal des conflits C3796, lecture du 4 juillet 2011

Décision n° C3796
4 juillet 2011
Tribunal des conflits

N° C3796
Mentionné au tables du recueil Lebon

M. Gallet, président
M. Franck Terrier, rapporteur
M. Collin, commissaire du gouvernement


Lecture du lundi 4 juillet 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu, enregistrée à son secrétariat le 7 juillet 2010, l'expédition du jugement du 11 juin 2010 par lequel le tribunal des affaires de sécurité sociales de l'Orne, saisi d'une demande de Mme A tendant au paiement par la caisse de mutualité sociale agricole de Mayenne-Orne-Sarthe d'une somme au titre la réversion de l'indemnité viagère de départ, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu le jugement du 27 mars 2009 par lequel le tribunal administratif de Caen s'est déclaré incompétent pour connaître de ce litige ;

Vu, enregistré le 20 septembre 2010, le mémoire présenté pour la caisse de mutualité sociale agricole de Mayenne-Orne-Sarthe, tendant à ce que la juridiction de l'ordre administratif soit déclarée compétente par application de l'article 17, 2° du décret n°84-84 du 1er février 1984, selon lequel les contestations relatives aux indemnités de départ relèvent de la compétence des tribunaux administratifs, cette disposition spéciale dérogeant à la disposition générale de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale, qui confie à l'organisation du contentieux général de la sécurité sociale le règlement des différends auxquels donne lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole ;

Vu, enregistré le 18 février 2011, le mémoire du ministre de l'agriculture tendant à ce que la juridiction de l'ordre administratif soit déclarée compétente pour connaître du litige opposant Mme A à la caisse de mutualité sociale agricole de Mayenne-Orne-Sarthe, aux motifs que l'indemnité viagère de départ n'est pas une prestation sociale s'inscrivant dans le cadre d'une réglementation de mutualité sociale agricole, mais une mesure de nature économique visant à améliorer l'organisation des structures agricoles en incitant les agriculteurs âgés à céder leur exploitation, qui relève par nature de l'appréciation du juge administratif ;

Vu, enregistré le 8 septembre 2010, le courrier de Mme A qui s'en rapporte à la sagesse du Tribunal sur la question de compétence ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n°62-933 du 8 août 1962 complémentaire à la loi d'orientation agricole, modifiée ;

Vu le décret n°84-84 du 1er février 1984 concernant l'octroi d'une indemnité annuelle de départ et d'une indemnité viagère de départ ayant le caractère d'un complément de retraite aux chefs d'exploitation agricoles âgés cessant leur activité, modifié ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Franck Terrier, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Baraduc pour la caisse de mutualité agricole de Mayenne-Orne-Sarthe ;
- les conclusions de M. Pierre Collin, commissaire du gouvernement ;



Considérant que la caisse de mutualité sociale agricole de Mayenne-Orne-Sarthe a constaté en janvier 2007 que Mme A ne percevait pas, au titre de la réversion, l'indemnité viagère de départ qui avait été allouée à son époux, décédé en 1987, et lui en a versé les arrérages pour les cinq années écoulées ; que Mme A en a demandé le paiement sur la période antérieure, à compter du décès de son époux ; que la caisse de mutualité sociale agricole lui a opposé la prescription de l'article 2277 ancien du code civil ; que le Centre national d'aménagement des structures des exploitations agricoles, aux droits duquel vient l'Agence de Service et de Paiement, a confirmé à Mme A que les arrérages de l'indemnité viagère de départ ne pouvaient être réglés sur la période prescrite ;

Considérant que l'indemnité viagère de départ ayant le caractère d'un complément de retraite, instituée par la loi du 8 août 1962 complémentaire à la loi d'orientation agricole, était accordée sur décision du préfet aux agriculteurs âgés, qui, acceptant de cesser leur activité et de céder leur exploitation, favorisaient un aménagement foncier, et est réglée aux ayants droit par la caisse de mutualité sociale agricole sur les fonds publics alloués par le Centre national d'aménagement des structures des exploitations agricoles, devenu l'Agence de Service et de Paiement ; qu'un tel avantage n'est pas une prestation sociale prévue par une réglementation de sécurité sociale ou de mutualité sociale agricole ; que le litige ne relève donc pas du contentieux général de la sécurité sociale ;

Considérant que la décision de la caisse de mutualité sociale agricole de Mayenne-Orne-Sarthe, organisme privé chargé d'une mission de service public administratif, se rapportant au service de l'indemnité viagère de départ accordée par décision du préfet et réglée sur des fonds publics, met en jeu des prérogatives de puissance publique ; que dès lors, tant l'action en paiement que, par suite, l'action en responsabilité qui tend à contester les conditions dans lesquelles cette mission a été exercée, relèvent de la compétence de la juridiction administrative, ainsi que le constatent les dispositions de l'article 17, 2° du décret du 1er février 1984 ;



D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction de l'ordre administratif est compétente pour connaître du litige opposant Mme A à la caisse de Mutualité sociale agricole de Mayenne-Orne-Sarthe.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 27 mars 2009 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.

Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Orne est déclarée nulle et non avenue à l'exception du jugement rendu le 11 juin 2010 par ce tribunal.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui est chargé de son exécution.


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