Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 197371, lecture du 29 janvier 1999, ECLI:FR:CESSR:1999:197371.19990129

Décision n° 197371
29 janvier 1999
Conseil d'État

N° 197371 197372
ECLI:FR:CESSR:1999:197371.19990129
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5 / 3 SSR
Mme Aubin, président
M. Le Bihan-Graf, rapporteur
M. Salat-Baroux, commissaire du gouvernement


Lecture du 29 janvier 1999
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu 1°), sous le n° 197 371, la requête, enregistrée le 18 juin 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la COMMUNE DE SAINT-PHILIPPE (la Réunion) ; la COMMUNE DE SAINT-PHILIPPE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 mai 1998 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a annulé, à la demande du préfet de la Réunion, la désignation de M. Willy X... en qualité de conseiller municipal ;
2°) de rejeter le déféré du préfet et de condamner l'Etat à lui payer la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
3°) subsidiairement, de prononcer un non-lieu à statuer ;
Vu, 2°), sous le n° 197372, la requête, enregistrée le 18 juin 1998 présentée par M. Willy X... demeurant ... à Saint-Philippe (la Réunion) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 mai 1998 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis, sur déféré du préfet de la Réunion, a annulé sa désignation en tant que conseillermunicipal de la commune de Saint-Philippe ;
2°) de rejeter le déféré du préfet de La Réunion ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F en application de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
4°) subsidiairement, de prononcer un non-lieu à statuer ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Le Bihan-Graf, Auditeur,
- les conclusions de M. Salat-Baroux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de la COMMUNE DE SAINT-PHILIPPE et de M. Willy X... sont dirigées contre le même jugement par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a annulé la désignation de M. X... en qualité de conseiller municipal de la commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'en vertu de l'article R. 119 du code électoral, en cas de protestation ou de recours du préfet, notification doit en être faite dans les trois jours de l'enregistrement aux conseillers municipaux dont l'élection est contestée ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement aux dispositions précitées, le tribunal administratif de Saint-Denis n'a pas notifié à M. X... le déféré du préfet de la Réunion contestant sa désignation en tant que conseiller municipal de la COMMUNE DE SAINT-PHILIPPE ; que le jugement est ainsi intervenu selon une procédure irrégulière et doit être annulé ;
Considérant qu'en vertu de l'article R. 120 du code électoral le tribunal administratif prononce sa décision dans le délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la réclamation et qu'en vertu de l'article R. 121, faute d'avoir statué dans ce délai, il est dessaisi ; que le délai de deux mois imparti au tribunal administratif de Saint-Denis étant expiré, ilappartient au Conseil d'Etat de statuer sur le déféré introduit devant ce tribunal par le préfet de la Réunion ;
Sur la régularité de l'élection de M. X... :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 270 du code électoral : "Le candidat venant sur une liste immédiatement après le dernier élu est appelé à remplacer le conseiller municipal élu sur cette liste dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit ( ...)" ; que cette désignation résulte de la proclamation du candidat, rendue publique par la mention de son nom dans le tableau du conseil municipal ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en application des dispositions précitées, M. X... a été appelé à siéger en tant que conseiller municipal de la COMMUNE DE SAINT-PHILIPPE ; que la proclamation de sa désignation a été rendue publique par la mention de son nom dans le tableau du conseil municipal adressé par le maire de Saint-Philippe au sous-préfet de Saint-Pierre le 24 mars 1998 ;
Considérant qu'en demandant l'annulation de la décision par laquelle le maire de Saint-Philippe a établi un nouveau tableau du conseil municipal en tant que ce tableau comporte le nom de M. X..., le préfet de la Réunion entend contester la validité de la désignation de ce conseiller municipal en remplacement d'un élu démissionnaire et soulève ainsi un litige en matière électorale ; que son déféré, enregistré au greffe du tribunal administratif de Saint-Denis le 3 avril 1998, soit dans le délai de quinze jours ayant suivi la transmission du nouveau tableau au sous-préfet de Saint-Pierre, a été formé dans le délai imparti par l'article R. 119 du code électoral et n'est donc pas tardif ;

Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 231 du code électoral : "Les agents salariés communaux ne peuvent être élus au conseil municipal de la commune qui les emploie ( ...)" ; qu'il résulte de l'instruction que M. X..., technicien agricole contractuel, avait la qualité de salarié de la COMMUNE DE SAINT-PHILIPPE à la date à laquelle il a été appelé à siéger au conseil municipal ; que la circonstance que le contrat le liant à la commune venait à expiration le 30 avril 1998 est sans incidence sur son éligibilité en tant que conseiller municipal à la date de sa désignation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la désignation de M. X... en tant que conseiller municipal de la COMMUNE DE SAINT-PHILIPPE doit être annulée ;
Considérant qu'il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 270 que lorsque les dispositions du 1er alinéa ne peuvent s'appliquer, il est procédé au renouvellement du conseil municipal mais seulement dans le cas où le conseil a perdu les deux tiers de ses membres ou dans celui où il y a lieu de procéder à l'élection d'un nouveau maire ; qu'en l'espèce, la proclamation d'un candidat venant immédiatement après M. X... sur sa liste n'est pas possible ; que les conditions mises à un renouvellement du conseil municipal ne sont pas remplies ; que, dès lors, les dispositions de l'article L. 270 faisant obstacle à une élection ne portant que sur un siège, il y a lieu , pour le juge de l'élection, de constater la vacance de ce siège ;
Sur l'application de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à laCOMMUNE DE SAINT-PHILIPPE et à M. X... les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis en date du 7 mai 1998 est annulé.
Article 2 : La désignation de M. X... en qualité de conseiller municipal est annulée.
Article 3 : Les conclusions de M. X... et de la COMMUNE DE SAINT-PHILIPPE tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE SAINT-PHILIPPE, à M. Willy X..., au préfet de la Réunion et au ministre de l'intérieur.


Voir aussi