Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 206902, lecture du 21 avril 2000, ECLI:FR:CESSR:2000:206902.20000421

Décision n° 206902
21 avril 2000
Conseil d'État

N° 206902
ECLI:FR:CESSR:2000:206902.20000421
Publié au recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Genevois, président
M. Fabre-Aubrespy, rapporteur
M. Salat-Baroux, commissaire du gouvernement


Lecture du 21 avril 2000
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la requête, enregistrée le 19 avril 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Abderrahmane Y..., demeurant chez M. Kaddour X..., ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 9 décembre 1998 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine, en date du 17 novembre 1998, ordonnant la reconduite à la frontière de M. Y... ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et l'article 55 ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 publié par le décret du 18 mars 1969 ;
Vu le premier avenant à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 publié par le décret n° 86-320 du 7 mars 1986 ;
Vu le deuxième avenant à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 publié par le décret n° 94-1103 du 19 décembre 1994 ;
Vu la loi n° 91-737 du 31 juillet 1991, ensemble la décision n° 91-294 DC du 25juillet 1991 et le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ;
Vu la loi n° 91-642 du 10 juillet 1991, ensemble le décret n° 97-970 du 15 octobre 1997 portant publication de l'accord d'adhésion de la République italienne à la convention signée Schengen le 19 juin 1990 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 24 août 1993 et la loi du 11 mai 1998 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fabre-Aubrespy, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Salat-Baroux, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée en dernier lieu par la loi du 11 mai 1998 énonce les différents cas dans lesquels le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière ; qu'au nombre de ces cas, figure l'hypothèse mentionnée au 1°) du I de l'article 22 où l'étranger "ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité" ;
Considérant cependant, comme le rappelle d'ailleurs l'article 2 de l'ordonnance précitée, que les règles ainsi posées ne s'appliquent que sous réserve des conventions internationales ; que dans le cas de concours de plusieurs engagements internationaux, il y a lieu d'en définir les modalités d'application respectives conformément à leurs stipulations et en fonction des principes du droit coutumier relatifs à la combinaison entre elles des conventions internationales ;
Considérant que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 publié au Journal officiel du 22 mars 1969 en vertu du décret du 18 mars 1969 régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité ; que parmi ces règles l'article 9 de l'accord, dans sa rédaction issue du deuxième avenant publié par décret du 19 décembre 1994, impose que les ressortissants algériens venant en France pour un séjour inférieur à trois mois présentent un passeport en cours de validité muni d'un visa délivré par les autorités françaises ;
Considérant toutefois, que ne sont pas incompatibles avec ces règles, les stipulations de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, introduite dans l'ordre juridique interne à la suite de la loi du 30 juillet 1991 qui en autorise l'approbation et du décret de publication du 21 mars 1995, dont l'article 10, paragraphe 1 institue un visa uniforme pour le territoire de l'ensemble des Parties contractantes pour un séjour de trois mois au maximum et dont l'article 19 énonce que les étrangers au sens de l'article 1er de ladite convention qui sont titulaires soit d'un visa uniforme soit d'un visa délivré par une des Parties contractantes et qui sont entrés régulièrement sur le territoire de l'une d'elles, peuventcirculer librement sur le territoire de l'ensemble des Parties contractantes pendant la durée de validité du visa ; que ces stipulations sont applicables à la République italienne du fait de son adhésion à la convention par un accord signé le 27 novembre 1990, lui-même introduit dans l'ordre interne par l'effet conjugué de la loi du 10 juillet 1991 qui en autorise la ratification et du décret du 15 octobre 1997 qui en porte publication ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., de nationalité algérienne, est entré en France en août 1998 avec un passeport revêtu d'un visa de court séjour, en cours de validité, délivré à Alger par le consulat d'Italie ; qu'il suit de là qu'en décidant d'ordonner la reconduite à la frontière de l'intéressé sur le fondement des dispositions susmentionnées du 1° de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, au motif qu'il serait entré irrégulièrement en France, le préfet des Hauts-de-Seine a fait une application erronée de ce dernier texte ; que, par suite, M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 novembre 1998 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a ordonné sa reconduite à la frontière ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 9 décembre 1998 et l'arrêté du 17 novembre 1998 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a ordonné la reconduite à la frontière de M. Y... sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Abderrahmane Y..., au préfet des Hauts-de-Seine et au ministre de l'intérieur.


Voir aussi