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Ariane Web: Conseil d'État 239220, lecture du 8 juillet 2002, ECLI:FR:CESSR:2002:239220.20020708

Décision n° 239220
8 juillet 2002
Conseil d'État

N° 239220
ECLI:FR:CESSR:2002:239220.20020708
Mentionné au tables du recueil Lebon
Section du Contentieux
Mme Aubin, président
Mme Imbert-Quaretta, rapporteur
Mme de Silva, commissaire du gouvernement


Lecture du 8 juillet 2002
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la requête enregistrée le 22 octobre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Monique X..., et par M. Stéphane Y..., ; Mme X... et M. Y... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 25 septembre 2001 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, rejeté leur protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 11 mars 2001 en vue de la désignation des conseillers municipaux de la ville de Rodez, et, d'autre part, les a condamnés à payer à M. Marc Z... une somme de 3 000 F en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) d'annuler ces opérations électorales ;
3°) subsidiairement, de déclarer M. Z... inéligible pendant un an et d'annuler par voie de conséquence son élection ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Imbert-Quaretta, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Rouvière, Boutet, avocat de M. Z...,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Sur les griefs tirés de la création et de l'utilisation d'un site Internet durant la campagne électorale :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que, dans les semaines qui ont précédé le premier tour des élections qui ont eu lieu le 11 mars 2001 en vue de la désignation des membres du conseil municipal de Rodez (Aveyron), M. Marc Z..., tête de la liste "Rodez avec Marc Z...", a fait ouvrir un site Internet comportant notamment des images et des slogans de propagande électorale ainsi que des informations sur le programme et les membres de cette liste ; que, la veille et le jour du scrutin, seule la page d'accueil du site est restée accessible au public ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral : "Pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par voie de presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite" ; que, si la réalisation et l'utilisation d'un site Internet par la liste de M. Z... ont constitué une forme de propagande électorale par voie de communication audiovisuelle, cette action de propagande n'a, en l'espèce, alors que le contenu du site, dont le candidat assurait l'entière responsabilité à des fins électorales, n'était accessible qu'aux électeurs se connectant volontairement, pas revêtu un caractère de "publicité commerciale" au sens des dispositions précitées de l'article L. 52-1 ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'utilisation d'un site Internet aurait contrevenu à ces dispositions ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 49 du même code : "Il est interdit de distribuer ou de faire distribuer, le jour du scrutin, des bulletins, circulaires et autres documents" ; que le maintien sur un site Internet, le jour du scrutin, d'éléments de propagande électorale n'est pas assimilable à la distribution de documents de propagande électorale au sens des dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 49 ; qu'aux termes du second alinéa du même article : "A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication audiovisuelle tout message ayant le caractère de propagande électorale" ; que le maintien sur un site Internet, le jour du scrutin, d'éléments de propagande électorale ne constitue pas, lorsqu'aucune modification qui s'analyserait en nouveaux messages n'a été opérée, une opération de diffusion prohibée par les dispositions précitées du second alinéa de l'article L. 49 ; qu'en conséquence, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le maintien de la page d'accueil du site de M. Z... la veille et le jour du scrutin aurait contrevenu à l'article L. 49 du code électoral ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 50-1 du code électoral : "Pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d'une élection jusqu'à la date du tour du scrutin où celle-ci est acquise, aucun numéro d'appel téléphonique ou télématique gratuit ne peut être porté à la connaissance du public par un candidat, une liste de candidat ou à leur profit" ; qu'un site Internet ne constitue ni un numéro d'appel téléphonique ni un numéro d'appel télématique ; que les requérants ne sont, dès lors, et en tout état de cause, pas fondés à soutenir que l'utilisation d'un site Internet par M. Z... aurait méconnu l'article L. 50-1 du code électoral ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral : "A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin" ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la création en 1997 d'un site Internet par la communauté d'agglomération du grand Rodez, dont M. Z... préside le conseil, qui contient des informations générales sur la région concernée, doive être regardée comme une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité au sens du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral ;
Considérant, en cinquième lieu, que l'utilisation par M. Z... d'un moyen de propagande non prohibé auquel la liste adverse pouvait aussi avoir recours n'a porté atteinte ni à la sincérité du scrutin, ni à l'égalité des candidats ;
Sur les griefs tirés de l'omission de certaines dépenses dans le compte de campagne déposé par M. Z... :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-12, premier alinéa, du code électoral : "Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle, par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de service et dons en nature dont il bénéficie. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit" ; qu'aux termes de l'article L. 118-3 du même code : "Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut déclarer inéligible pendant un an le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales./ Dans les autres cas, le juge de l'élection peut ne pas prononcer l'inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie, ou relever le candidat de cette inéligibilité / Si le juge de l'élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office" ; que ni les frais de l'étude d'aménagement du quartier "Foirail Pré Lamarque", ni compte tenu de ce qui a été dit plus haut, le coût du site Internet de la communauté d'agglomération du grand Rodez n'avait à être inclus dans le compte de campagne de M. Z... ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que toutes les dépenses afférentes aux réunions tenues par M. Z... et ses colistiers n'aient pas été comptabilisées ni que le coût d'un sondage effectué à la demande de cette liste ait été minoré ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X... et M. Y... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur protestation ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner Mme X... et M. Y... à payer à M. Z... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de Mme X... et de M. Y... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. Z... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Monique X..., à M. Stéphane Y..., à M. Marc Z... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


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