Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 256899, lecture du 20 octobre 2004, ECLI:FR:CESSR:2004:256899.20041020

Décision n° 256899
20 octobre 2004
Conseil d'État

N° 256899
ECLI:FR:CESSR:2004:256899.20041020
Mentionné au tables du recueil Lebon
Section du Contentieux
Mme Hagelsteen, président
Mme Catherine de Salins, rapporteur
M. Stahl, commissaire du gouvernement


Lecture du mercredi 20 octobre 2004
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE BAYER PHARMA, dont le siège est 13, rue Jean Jaurès à Puteaux cedex (92807), représenté par le président de son directoire ; la SOCIETE BAYER PHARMA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 19 mars 2003 par laquelle le comité économique des produits de santé a rejeté sa demande de révision du prix de la spécialité Izilox 400 mg, comprimé pelliculé (ci-après Izilox) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré présentée par la SOCIETE BAYER PHARMA le 1er octobre 2004 ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine de Salins, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Jacques-Henri Stahl, Commissaire du gouvernement ;




Considérant que la SOCIETE BAYER PHARMA qui exploite sous l'appellation Izilox 400 mg comprimé pelliculé (ci-après Izilox), un médicament antibiotique appartenant à la classe des fluoroquinolones de troisième génération pour lequel elle a obtenu une autorisation de mise sur le marché par décision du 31 août 2001 et qui est inscrit sur la liste des spécialités remboursables, a conclu le 27 mars 2002 avec le comité économique des produits de santé un avenant à la convention signée le 21 décembre 1999 ; que cet avenant fixe le prix de vente de cette spécialité à un montant hors taxe de 3,26 euros par comprimé en précisant au paragraphe 2.2 de son article II que ce prix est fixé sous réserve que le volume annuel global des ventes d'Izilox , de Tavanic , son concurrent actuel, et de leurs futurs concurrents dans la classe des fluoroquinolones de troisième génération partageant les mêmes indications, soit inférieur à 4 875 000 comprimés et que, si ce volume vient à dépasser ce seuil, le prix unitaire d' Izilox est modifié en fonction du volume global des ventes, constatées sur douze mois, d' Izilox et de ses concurrents ; que le paragraphe 2.3 atténue cette clause en empêchant toute baisse de prix avant une certaine date et en plafonnant ses effets pendant plusieurs périodes ; qu'en vertu du paragraphe 2.4 du même article, lorsqu'une baisse de prix justifiée par l'application du 2.2 n'est pas effectuée ou est limitée en application du 2.3, l'entreprise est redevable d'une ristourne correspondant au produit de la différence entre les deux prix unitaires, en vigueur et modifié, avec le nombre de comprimés d' Izilox vendus pendant les douze mois considérés ; que, par la décision attaquée en date du 19 mars 2003, le comité économique des produits de santé a rejeté la demande de la société tendant à ce que soient modifiées les conditions de fixation du prix de l' Izilox en ce qu'elles sont fonction du volume global des ventes de l'ensemble des médicaments de la même classe thérapeutique qui ne constitue pas une donnée propre à l'entreprise ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

Considérant que, contrairement à ce que la société requérante soutient, la décision attaquée comporte la mention des éléments de fait et de droit sur laquelle elle se fonde ; qu'en particulier, cette décision n'avait pas à justifier la fixation à 4 875 000 comprimés par an de la quantité médicalement justifiée dans la classe de médicament considérée, dès lors que celle-ci n'avait pas fait l'objet de critique dans la demande de la société ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ;

Sur sa légalité interne :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 162-17-3 du code de la sécurité sociale : Il est créé, auprès des ministres compétents, un comité économique des produits de santé . Le comité contribue à l'élaboration de la politique économique du médicament. Il met en oeuvre les orientations qu'il reçoit des ministres compétents, en application de la loi de financement de la sécurité sociale. Ces orientations portent notamment sur les moyens propres à assurer le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie mentionné à l'article LO. 111-3. En particulier, le comité applique ces orientations à la fixation des prix des médicaments à laquelle il procède en application de l'article L. 162-17-4 ;

Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale, la fixation du prix de vente au public de chacun des médicaments inscrits sur la liste des spécialités remboursables qui intervient par convention entre l'entreprise exploitant le médicament et le comité économique des produits de santé, tient compte principalement de l'amélioration du service médical rendu apportée par le médicament, des prix des médicaments à même visée thérapeutique, des volumes de vente prévus ou constatés ainsi que des conditions prévisibles et réelles d'utilisation du médicament ; qu'aux termes de l'article L. 162-17-4 du même code : En application des orientations qu'il reçoit annuellement des ministres compétents, le comité économique des produits de santé peut conclure avec des entreprises ou groupes d'entreprises des conventions d'une durée maximale de quatre années relatives à un ou des médicaments visés au premier alinéa de l'article L. 162-17. Ces conventions (...) déterminent les relations entre le comité et chaque entreprise et notamment : / 1° le prix de ces médicaments et, le cas échéant, l'évolution de ces prix notamment en fonction des volumes de vente ; / 2° le cas échéant, les remises prévues à l'article L. 162-18 ; (...) ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le législateur a entendu autoriser le comité économique des produits de santé, lorsqu'il conclut avec une entreprise une convention, à fixer le prix d'un médicament et, le cas échéant, à prévoir une évolution de ce prix en fonction du volume global des ventes de l'ensemble des spécialités appartenant à la classe thérapeutique de ce médicament ; que, par suite, la SOCIETE BAYER PHARMA n'est pas fondée à soutenir que le refus d'abroger le mécanisme de fixation du prix de l' Izilox mis en place par l'avenant du 27 mars 2002 méconnaîtrait les dispositions des articles L. 162-16-4 et L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale ; que, dans ces conditions, les moyens tirés de ce que ce mécanisme, qui n'est pas une sanction, serait contraire aux principes d'égalité, d'une part, et de liberté du commerce et de l'industrie, d'autre part, ne peuvent qu'être écartés ; qu'il en est de même de celui tiré de la distorsion de concurrence entre entreprises exploitant des médicaments appartenant à la même classe thérapeutique, qui résulterait de ce mécanisme ;

Considérant, en second lieu, que si le mécanisme de fixation du prix d' Izilox n'a pas pour effet de réduire le volume des ventes de médicaments, il permet néanmoins de limiter la progression des dépenses de l'assurance maladie, soit en limitant, à volume égal, le montant des remboursements par la baisse du prix du médicament, soit par le jeu de la ristourne sur le chiffre d'affaires effectivement réalisé prélevée au profit de l'assurance maladie ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en fixant à 4 875 000 comprimés le volume des ventes de référence, le comité aurait manifestement procédé à une évaluation insuffisante des besoins actuels de la population pour cette classe d'antibiotiques ; qu'ainsi, la décision de ne pas mettre fin à ce mécanisme, qui répond à l'une des orientations données au comité économique des produits de santé, n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE BAYER PHARMA n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du comité économique des produits de santé du 19 mars 2003 refusant de modifier la convention relative au prix de l' Izilox ; que, par voie de conséquence, doivent être également rejetées ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de la SOCIETE BAYER PHARMA est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE BAYER PHARMA, au comité économique des produits de santé et au ministre de la santé et de la protection sociale.



Voir aussi