Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 248233, lecture du 20 avril 2005, ECLI:FR:CESSR:2005:248233.20050420

Décision n° 248233
20 avril 2005
Conseil d'État

N° 248233
ECLI:FR:CESSR:2005:248233.20050420
Mentionné au tables du recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Stirn, président
M. Olivier Henrard, rapporteur
M. Aguila, commissaire du gouvernement
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats


Lecture du mercredi 20 avril 2005
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin et 28 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE BOUYGUES TELECOM, dont le siège est aux Arcs de Seine, 20, quai du Point-du-Jour à Boulogne-Billancourt (92640) ; la SOCIETE BOUYGUES TELECOM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 13 juin 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, à la demande de l'association intercommunale pour la défense des quartiers Peyre-Long, des Espinets et des sites environnants (AIPE) et de MM. X, Y et , d'une part, a annulé le jugement du 15 mai 1997 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juin 1996 par lequel le maire de Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes) a décidé de ne pas s'opposer aux travaux de réalisation d'une station radio-électrique déclarés par la SOCIETE BOUYGUES TELECOM, d'autre part, a annulé l'arrêté du 26 juin 1996 du maire de Cagnes-sur-Mer ;

2°) statuant au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de rejeter la demande de l'association intercommunale pour la défense des quartiers Peyre-Long, des Espinets et des sites environnants (AIPE) et de MM. X, Y et devant le tribunal administratif de Nice, dirigée contre l'arrêté du 26 juin 1996 du maire de Cagnes-sur-Mer ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code des postes et des communications électroniques ;

Vu le code rural ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Henrard, Auditeur,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE BOUYGUES TELECOM,

- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;



Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant que l'autorité administrative ne peut légalement s'opposer, sur le fondement de l'article R. 422-9 du code de l'urbanisme, à la réalisation de travaux qui font l'objet d'une déclaration sur le fondement des articles L. 422-1 et R. 422-2 du même code que si des dispositions ou servitudes d'urbanisme font obstacle à leur réalisation, ou si elle fait application des règles nationales d'urbanisme prévues par les articles R. 111-1 et suivants du même code ; qu'en revanche, elle ne peut s'y opposer pour des motifs tenant à l'application d'autres législations ;

Considérant que, pour annuler le jugement du 15 mai 1997 du tribunal administratif de Nice et la décision du 26 juin 1996 du maire de Cagnes-sur-Mer de ne pas s'opposer aux travaux de construction d'une station radio-électrique de base, déclarés par la SOCIETE BOUYGUES TELECOM, la cour administrative d'appel de Marseille s'est fondée sur ce que le maire de Cagnes-sur-Mer, en ne s'opposant pas à ces travaux, a méconnu le principe de précaution alors énoncé à l'article L. 200-1 du code rural et désormais repris à l'article L. 110-1 du code de l'environnement ; que, toutefois, ces dispositions ne sont pas au nombre de celles que doit prendre en compte l'autorité administrative lorsqu'elle se prononce sur l'octroi d'une autorisation délivrée en application de la législation sur l'urbanisme ; qu'il suit de là que la cour, en jugeant que le principe de précaution pouvait légalement justifier une opposition à travaux sur le fondement de l'article R. 422-9 du code de l'urbanisme, a entaché d'erreur de droit l'arrêt attaqué, dont la SOCIETE BOUYGUES TELECOM est dès lors fondée à demander l'annulation ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Sur la consultation de la commission de coordination des télécommunications :

Considérant que le moyen tiré de ce que la décision du maire de Cagnes-sur-Mer aurait dû être précédée de la consultation de la commission de coordination des télécommunications, qui relève d'une cause juridique distincte de celle sur laquelle reposaient les moyens invoqués en première instance est, en tout état de cause, nouveau en appel et, par suite, irrecevable ;

Sur la méconnaissance de l'article R. 422-2 du code de l'urbanisme :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 422-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : Sont exemptés du permis de construire sur l'ensemble du territoire :/ (...) e) En ce qui concerne le service public des télécommunications ou de télédiffusion, les ouvrages techniques dont la surface hors oeuvre brute ne dépasse pas 100 mètres carrés, les poteaux et pylônes de plus de 12 mètres au-dessus du sol et les installations qu'ils supportent ; que l'arrêté du 8 décembre 1994 du ministre de l'industrie, des postes et télécommunications et du commerce extérieur qui autorise, en application des articles L. 33-1, L. 34-3 et L. 34-7 du code des postes et des communications électroniques, la SOCIETE BOUYGUES TELECOM à établir un réseau radioélectrique ouvert au public, soumet celle-ci à des obligations de service public relatives, notamment, à l'obligation de couverture du territoire national, à la continuité et à la neutralité du service, à l'égalité de traitement des usagers, à l'acheminement des appels d'urgence et au respect de certaines prescriptions en matière de sécurité et de défense ; qu'il suit de là que la SOCIETE BOUYGUES TELECOM pouvait bénéficier, pour l'édification du pylône et de l'antenne de radiotéléphonie projetés à Cagnes-sur-Mer, de l'exemption de permis de construire sous réserve d'une déclaration de travaux, prévue au e) de l'article R. 422-2 du code de l'urbanisme ;

Sur la méconnaissance des dispositions du règlement du plan d'occupation des sols relatives à la hauteur des constructions :

Considérant que le règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Cagnes-sur-Mer applicable au secteur NB prévoit que sont notamment admis, dans certaines conditions, les ouvrages techniques et équipements nécessaires au fonctionnement des services publics ; que, si l'article NB 10 fixe à sept mètres la hauteur maximale que les constructions doivent respecter, son dernier alinéa précise que les règles de hauteur ne s'appliquent pas aux ouvrages techniques nécessaires au fonctionnement des services publics ; qu'eu égard à leur objet, ces dispositions du plan d'occupation des sols relatives aux ouvrages et équipements nécessaires au fonctionnement des services publics doivent être regardées comme s'appliquant aux antennes et aux pylônes installés par les opérateurs dans le cadre de l'exploitation d'un réseau de télécommunication ; qu'il suit de là que la hauteur maximale de sept mètres n'était pas opposable aux travaux litigieux et que les requérants ne peuvent donc utilement exciper, à l'encontre de l'arrêté et du jugement attaqués, de la méconnaissance à ce titre du plan d'occupation des sols ;

Sur la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et de l'article NB 11 du règlement du plan d'occupation des sols :

Considérant qu'aux termes de l'article NB 11 du règlement du plan d'occupation des sols : Les constructions nouvelles ou les réparations doivent être effectuées de manière à ne pas compromettre le caractère ou l'intérêt des lieux avoisinant des sites, des paysages ... ; que ces dispositions ont le même objet que celles, également invoquées par les requérants, de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres ; que, dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan d'occupation des sols que doit être appréciée la légalité de la décision attaquée ;

Considérant que le maire de Cagnes-sur-Mer, par son arrêté attaqué du 26 juin 1996, a imposé que le mât, inclus dans les travaux objets de la déclaration, serait de couleur vert foncé pour se fondre dans le paysage ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'en décidant de ne pas s'opposer, sous cette réserve, aux travaux envisagés, le maire de Cagnes-sur-Mer a fait une exacte application des dispositions de l'article NB 11 du règlement du plan d'occupation des sols relatives à l'aspect extérieur des constructions et, notamment, aux toitures, façades et clôtures ou à leur coloration ; qu'il suit de là que le moyen doit être écarté ;

Sur la méconnaissance des articles L. 146-6 et R. 146-1 du code de l'urbanisme :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme : Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques (...) Le plan local d'urbanisme doit classer en espaces boisés, au titre de l'article L. 130-1 du présent code, les parcs et ensembles boisés existants les plus significatifs de la commune ou du groupement de communes, après consultation de la commission départementale des sites ; que l'article R. 146-1 du même code précise que : En application du premier alinéa de l'article L. 146-6, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral, sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : (...) g) Les parties naturelles des sites inscrits ou classés (...) et des parcs nationaux (...), ainsi que les réserves naturelles (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la partie de la commune de Cagnes-sur-Mer, qui n'est pas un site inscrit, dans laquelle les travaux envisagés par la société doivent être réalisés, est partiellement urbanisée et ne présente pas de caractéristiques de nature à justifier son classement en espaces boisés ou à la faire regarder comme un site remarquable, au sens des dispositions citées du code de l'urbanisme ; qu'il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision attaquée du maire de Cagnes-sur-Mer et le plan d'occupation des sols de la commune méconnaissent ces dispositions ;

Sur la méconnaissance du principe de précaution :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le moyen tiré de ce que le maire de Cagnes-sur-Mer aurait dû s'opposer, sur le fondement du principe de précaution, aux travaux déclarés par la SOCIETE BOUYGUES TELECOM, doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le maire de Cagnes-sur-Mer, par l'arrêté attaqué du 26 juin 1996 a pu légalement décider de ne pas s'opposer aux travaux déclarés par la SOCIETE BOUYGUES TELECOM ; qu'il suit de là que l'Association intercommunale pour la défense des quartiers Peyre-Long, des Espinets et des sites environnants (AIPE), MM. X, Y et ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 15 mai 1997, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'association intercommunale pour la défense des quartiers Peyre-Long, des Espinets et des sites environnants (AIPE) et de MM. X, Y et la somme de 3 000 euros que demande la SOCIETE BOUYGUES TELECOM au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE BOUYGUES TELECOM qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demandent l'association intercommunale pour la défense des quartiers Peyre-Long, des Espinets et des sites environnants (AIPE) et MM. X, Y et au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :
--------------



Article 1er : L'arrêt du 13 juin 2002 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : La requête de l'association intercommunale pour la défense des quartiers Peyre-Long, des Espinets et des sites environnants (AIPE) et de MM. X, Y et devant cette cour est rejetée.

Article 3 : L'association intercommunale pour la défense des quartiers Peyre-Long, des Espinets et des sites environnants (AIPE) et MM. X, Y et verseront à la SOCIETE BOUYGUES TELECOM la somme globale de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association intercommunale pour la défense des quartiers Peyre-Long, des Espinets et des sites environnants (AIPE), à MM. Gustave X, Maurice Y et Alexis , à la commune de Cagnes-sur-Mer et à la SOCIETE BOUYGUES TELECOM.



Voir aussi