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Ariane Web: Conseil d'État 300385, lecture du 7 mars 2007, ECLI:FR:CESSR:2007:300385.20070307

Décision n° 300385
7 mars 2007
Conseil d'État

N° 300385
ECLI:FR:CESSR:2007:300385.20070307
Publié au recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Martin, président
M. Damien Botteghi, rapporteur
M. Chauvaux Didier, commissaire du gouvernement
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, avocats


Lecture du mercredi 7 mars 2007
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 et 19 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Corinne A, demeurant... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la recommandation n° 2006-7 du 7 novembre 2006 du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative à l'élection présidentielle de 2007, ensemble le guide d'application annexé ;

2°) d'enjoindre au Conseil supérieur de l'audiovisuel, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard, d'adopter, dans un délai de 48 heures à compter de la notification de la décision à venir, à titre principal, une nouvelle recommandation fixant la date du début de la période préliminaire au 1er avril 2006, et à titre subsidiaire, une nouvelle recommandation fixant de nouveaux critères d'appréciation de l'équité ;





Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée ;

Vu le décret n° 20001-213 du 8 mars 2001 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Botteghi, Auditeur,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;




Considérant que le Conseil supérieur de l'audiovisuel a pris le 7 novembre 2006 une recommandation à l'intention de l'ensemble des services de radio et de télévision en vue de l'élection présidentielle destinée, notamment, à fixer les règles applicables au traitement de l'actualité électorale liée à la campagne présidentielle ; qu'il a distingué, d'une part, une période préliminaire, allant du 1er décembre 2006 jusqu'à la veille de la publication de la liste des candidats établie par le Conseil constitutionnel, d'autre part, une période intermédiaire, courant du jour de la publication de la liste des candidats établie par le Conseil constitutionnel jusqu'à la veille de l'ouverture de la campagne, soit le dimanche 8 avril 2007, et enfin la période de campagne, courant du lundi 9 avril 2007 jusqu'au second tour de scrutin, le dimanche 6 mai 2007 ; que, selon cette recommandation, les services de radio et de télévision doivent appliquer, pendant la période préliminaire, un principe d'équité pour les temps de parole et d'antenne des candidats déclarés ou présumés, pendant la période intermédiaire un principe d'égalité pour le temps de parole des candidats figurant sur la liste établie par le Conseil constitutionnel et un principe d'équité pour leur temps d'antenne, et pendant la période de campagne un principe d'égalité pour le temps de parole et le temps d'antenne des candidats ; que Mme A demande l'annulation de cette recommandation en tant, d'une part, qu'elle fixe au 1er décembre 2006 la date à laquelle débute la période préliminaire et, d'autre part, qu'elle définit les critères permettant d'apprécier le respect du principe d'équité dans le traitement de l'information électorale ;

Considérant, d'une part, que l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose : La communication au public par voie électronique est libre. / L'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d'une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d'autrui, du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion (...) ; que l'article 3-1 de cette loi permet au Conseil supérieur de l'audiovisuel d'adresser aux éditeurs et distributeurs de services de radio et de télévision des recommandations relatives au respect des principes énoncés dans cette loi ; qu'aux termes de l'article 13 de la même loi : Le Conseil supérieur de l'audiovisuel assure le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier pour les émissions d'information politique et générale (...) ; qu'enfin, en vertu de l'article 16 de la même loi : Le Conseil supérieur de l'audiovisuel fixe les règles concernant les conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions relatives aux campagnes électorales que les sociétés mentionnées à l'article 44 sont tenues de produire et de programmer. Les prestations fournies à ce titre font l'objet de dispositions insérées dans les cahiers des charges / Pour la durée des campagnes électorales, le Conseil adresse des recommandations aux éditeurs des services de radio et de télévision autorisés ou ayant conclu une convention en vertu de la présente loi ;

Considérant, d'autre part, que le premier alinéa de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel fixe au deuxième lundi précédant le premier tour de scrutin l'ouverture de la campagne en vue de l'élection du Président de la République ; qu'aux termes de l'article 15 de ce décret : A compter de la date de début de la campagne mentionnée à l'article 10 et jusqu'au tour de scrutin où l'élection est acquise, le principe d'égalité entre les candidats doit être respecté dans les programmes d'information des sociétés nationales de programme et des services de communication audiovisuelle autorisés ou concédés en ce qui concerne la reproduction ou les commentaires des déclarations et écrits des candidats et la présentation de leur personne (...) / Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille au respect des dispositions du présent article et des règles et recommandations qu'il édicte en application de l'article 16 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pendant la période précédant la campagne électorale officielle en vue de l'élection du Président de la République définie à l'article 10 du décret du 8 mars 2001, régie par l'article 15 de ce même décret, il appartient au Conseil supérieur de l'audiovisuel, en vertu des articles 1er, 3-1, et 13 de la loi du 30 septembre 1986, de prendre des recommandations à l'intention des services de radio et de télévision afin d'assurer le respect du principe de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion ; que la durée des campagnes électorales mentionnée au second alinéa de l'article 16 de la loi du 30 septembre 1986 ne se référant pas, contrairement à ce que soutient Mme A, à la période de prise en compte des dépenses électorales fixée par l'article L. 52-4 du code électoral, rendu applicable à l'élection du Président de la République par le II de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962, le Conseil supérieur n'était pas tenu de fixer le point de départ de la période préliminaire au 1er avril 2006 ; qu'il a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation et sans méconnaître, ni l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 3 du premier protocole additionnel à cette convention, fixer cette dernière date au 1er décembre 2006 ; que Mme A n'est dès lors pas fondée à soutenir que la recommandation serait illégale sur ce point ;

Considérant, en second lieu, que la recommandation attaquée, ainsi que le guide d'application annexé, définissent le principe d'équité entre les candidats devant être respecté dans le traitement de l'actualité électorale en fixant deux critères tirés respectivement de la représentativité des candidats et de leur capacité à manifester concrètement l'intention affirmée d'être candidat ; qu'ils précisent que la représentativité peut être évaluée en prenant en compte en particulier les résultats obtenus par le candidat ou la formation politique qui le soutient aux plus récentes élections , tandis que la capacité à manifester concrètement l'intention d'être candidat peut l'être au regard d'éléments tels que, par exemple, l'organisation de réunions publiques, la participation à des débats, la contribution à des tribunes, la création d'instruments de communications spécifiques ou encore la désignation d'un mandataire financier... ;

Considérant qu'une telle définition du principe d'équité n'implique pas, contrairement à que soutient Mme A, de discrimination entre ceux des candidats qui l'ont été lors d'élections antérieures et ceux qui ne l'ont jamais été, en méconnaissance du principe de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion et du principe d'égalité, dès lors qu'il résulte de ses termes mêmes que les résultats pris en compte ne sont pas ceux de la précédente élection présidentielle mais de toutes les élections récentes et qu'ils ne constituent pas le seul critère pour la mesure de l'équité et enfin que les autres éléments, que les services de radio et de télévision sont appelés à prendre en considération, sont de nature à permettre d'assurer un traitement équitable des candidats à l'élection présidentielle qui ne se sont présentés à aucune élection antérieure ; que cette définition ne méconnaît ni l'objectif constitutionnel de clarté et d'intelligibilité de la norme, ni l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni enfin l'article 3 du premier protocole additionnel à cette convention ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précéde que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation de la recommandation 2006-7 du 7 novembre 2006 du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative à l'élection présidentielle de 2007 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées ;



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Corinne A, au Conseil supérieur de l'audiovisuel, au Premier ministre et au ministre de la culture et de la communication.



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