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Ariane Web: Conseil d'État 293786, lecture du 17 décembre 2008, ECLI:FR:CESSR:2008:293786.20081217

Décision n° 293786
17 décembre 2008
Conseil d'État

N° 293786
ECLI:FR:CESSR:2008:293786.20081217
Publié au recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Vigouroux, président
M. Richard Senghor, rapporteur
M. Guyomar Mattias, commissaire du gouvernement
SPINOSI, avocats


Lecture du mercredi 17 décembre 2008
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mai et 26 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SECTION FRANCAISE DE L'OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS, dont le siège est 31, rue des Lilas à Paris (75019), représentée par son président ; la SECTION FRANCAISE DE L'OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2006-337 du 21 mars 2006 modifiant le code de procédure pénale et relatif aux décisions prises par l'administration pénitentiaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat, le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;





Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Richard Senghor, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Spinosi, avocat de la SECTION FRANCAISE DE L'OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;



Sur les conclusions dirigées contre le décret attaqué en tant qu'il modifie l'article R. 57-8-1 du code de procédure pénale :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 57-8-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue du II de l'article 3 du décret attaqué : Le chef d'établissement est compétent pour prendre les décisions administratives individuelles suivantes : / 1º Placement à l'isolement et première prolongation de l'isolement ; / 2º Délivrance des autorisations de visiter l'établissement pénitentiaire qu'il dirige. / Pour les compétences définies par la partie réglementaire du présent code le chef d'établissement pénitentiaire peut déléguer sa signature à un agent d'encadrement placé sous son autorité. ;

Considérant que la délégation de signature ainsi prévue vise exclusivement les agents d'encadrement placés directement sous l'autorité du chef d'établissement, indépendamment de leur appellation, différente selon la catégorie d'établissement ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la délégation serait trop générale et aurait été prévue au profit d'agents ne disposant pas d'un niveau d'encadrement et de compétences suffisant ne peut qu'être écarté ;

Sur les conclusions dirigées contre le décret attaqué en tant qu'il modifie l'article R. 57-9-10 du code de procédure pénale :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 57-9-10 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'article 3 du décret attaqué : Dans le cas où un détenu doit être placé à l'isolement en urgence, le chef d'établissement peut décider le placement provisoire à l'isolement du détenu, si la mesure est l'unique moyen de préserver la sécurité de l'établissement ou des personnes. Le placement provisoire à l'isolement ne peut excéder cinq jours. / En cas de faute disciplinaire commise par le détenu, le chef d'établissement peut, à titre préventif et sans attendre la réunion de la commission de discipline, décider le placement du détenu dans une cellule disciplinaire si la mesure est l'unique moyen de mettre fin à la faute ou de préserver l'ordre à l'intérieur de l'établissement. / Le placement préventif en cellule disciplinaire n'est pas applicable aux mineurs de seize ans. Sa durée est limitée au strict nécessaire et ne peut excéder deux jours à compter de la date à laquelle les faits ont été portés à la connaissance du chef d'établissement. ;

Considérant, d'une part, que les décisions de placer un détenu à l'isolement, soit en urgence et de manière provisoire, soit à titre préventif, prévues par ces dispositions, ne constituent pas des peines mais des mesures de sûreté ; que la requérante ne saurait donc utilement invoquer à l'encontre des dispositions litigieuses le principe de proportionnalité des peines ;

Considérant, d'autre part, que la requérante soutient que l'article 3 du décret attaqué ne pouvait légalement prévoir que les fautes de plus faible gravité, dites du troisième degré, pourraient donner lieu à un placement préventif en quartier disciplinaire ; que toutefois, selon les dispositions de cet article, une telle mesure, à l'instar de la mesure de placement provisoire, ne peut intervenir, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que dans l'hypothèse où elle est strictement nécessaire afin d'assurer la sécurité de l'établissement pénitentiaire ou des personnes ; que le moyen doit donc être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SECTION FRANCAISE DE L'OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le remboursement des frais exposés par l'association requérante et non compris dans les dépens ;




D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SECTION FRANCAISE DE L'OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SECTION FRANCAISE DE L'OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS, au Premier ministre et à la garde des sceaux, ministre de la justice.