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Ariane Web: Conseil d'État 274682, lecture du 25 juillet 2007, ECLI:FR:CESSR:2007:274682.20070725

Décision n° 274682
25 juillet 2007
Conseil d'État

N° 274682
ECLI:FR:CESSR:2007:274682.20070725
Inédit au recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Martin, président
M. Herbert Maisl, rapporteur
M. Chauvaux, commissaire du gouvernement
LE PRADO ; SCP ROGER, SEVAUX, avocats


Lecture du mercredi 25 juillet 2007
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 29 novembre 2004 et le 28 février 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'AVIGNON, dont le siège est 305, rue Raoul Faullereau, à Avignon (84902) cedex 9, représenté par son directeur en exercice ; le CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'AVIGNON demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 24 juin 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 29 juillet 1999 du tribunal administratif de Marseille qui l'a déclaré responsable du décès de M. B et l'a condamné à verser à sa concubine, Mme Angèle C, une somme de 111.315,12 F ainsi que 60.000 F à chacun de ses trois enfants ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du 29 juillet 1999 et de rejeter la demande présentée par Mme C, Mme D et Mme B devant le tribunal administratif de Marseille ;




Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Herbert Maisl, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Le Prado, avocat du CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'AVIGNON et de la SCP Roger, Sevaux, avocat de Mme Angèle C,

- les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;



Considérant qu'il ressort des mémoires produits devant la cour administrative d'appel de Marseille, tels qu'ils ont d'ailleurs été visés par cette cour, que le CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'AVIGNON invoquait devant elle avec précision plusieurs moyens non inopérants à l'encontre du jugement du tribunal administratif de Marseille qu'il attaquait ; qu'il soulevait un moyen nouveau tiré de ce que, en tout état de cause, sa responsabilité ne pouvait être fondée que sur la perte de chance ; que dès lors, en rejetant la requête de ce centre hospitalier par simple adoption des motifs des premiers juges, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas suffisamment motivé son arrêt ; que celui-ci doit par suite être annulé ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction statuant en dernier ressort peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; qu'il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de l'angioplastie qu'il a subie le 5 août 1991 au CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'AVIGNON en vue de traiter une sténose coronarienne sévère, M. B, âgé de 31 ans, est décédé des suites d'un infarctus du myocarde ;

Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement d'un malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'évolution prévisible de la sténose coronarienne sévère dont était atteint M. B pouvait se traduire à brève échéance par l'infarctus qui est survenu à la suite de l'angioplastie pratiquée le 5 août 1991 ; que par suite la responsabilité sans faute du CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'AVIGNON ne saurait être engagée ;

Considérant qu'il résulte des deux rapports d'expertise réalisés à la demande de la juridiction pénale, que le choix de traiter la sténose coronarienne dont était atteint M. B par une angioplastie était pertinent, que cet acte médical ne présentait pas, a priori, de difficulté particulière et que le CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'AVIGNON disposait des compétences nécessaires pour le réaliser ; que si aucune réglementation en vigueur à la date des faits n'imposait que les actes d'angioplastie ne puissent être pratiqués que dans des établissements hospitaliers disposant en leur sein d'un service de chirurgie cardiaque, une couverture chirurgicale à distance étant considérée comme médicalement suffisante pour les patients ne présentant pas de hauts risques comme l'était M. B, il résulte toutefois des rapports des experts que la collaboration entre le laboratoire d'angioplastie du centre hospitalier d'Avignon et le service de chirurgie cardiaque de l'hôpital Cantini à Marseille était inadaptée, la distance entre ces deux établissements n'étant pas compatible avec une intervention d'urgence ; que cette faute dans l'organisation du service n'a cependant, dans les circonstances de l'espèce, pas privé M. B d'une chance de survie compte tenu de la gravité de la complication survenue, seule une chirurgie d'extrême urgence pratiquée sur les lieux mêmes ayant, selon les experts, une infime chance de sauver le patient ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'AVIGNON est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille l'a déclaré responsable du décès de M. B ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'AVIGNON, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à Mme C les sommes que celle-ci a demandées à ce titre devant le tribunal administratif de Marseille et la cour administrative d'appel de Marseille ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 24 juin 2004 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé, ainsi que le jugement du 29 juillet 1999 du tribunal administratif de Marseille, en tant qu'il a condamné le CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'AVIGNON à réparer les conséquences du décès de M. B.

Article 2 : Les demandes présentées par Mme C, Mme D et Mme B devant le tribunal administratif de Marseille sont rejetées, ainsi que leurs conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'AVIGNON, à Mme Angèle C et à la caisse primaire d'assurance maladie de Privas.
Copie en sera adressée pour information au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.